Saisir et broyer ! Le groupe de blackened death metal français underground Mandibula a été une de mes révélations de cette saison culturelle 2022-2023. J’ai bien usé la bande de leur cassette démo aux titres enchaînés dans des transitions de larsens spongieux, comme si on écoutait un set live, voire une pièce sonore unique.
A ma grande surprise, j’ai découvert petit à petit que ce groupe de death était constitué de membres de groupes ou de projets déjà vus ou entendus dans des contextes bien différents : La Colonie de Vacances, Les Agamemnonz, Seal Of Quality, Pyjamarama, John Makay, Bravo Brian et sans doute une dizaine d’autres…
Je les ai interviewés à Besançon en novembre 2022, avant leur concert aux Passagers du Zinc. J’avais prévu de faire de cette interview un élément du sommaire de mon nouveau fanzine papier à paraître : format A5, typo de machine à écrire et monstre en couverture. Je sortirai ce fanzine maudit dans le turfu, mais sans doute avec un retard carabiné, car j’ai été littéralement débordé ces derniers mois par les impératifs de promotion et de gestion du film Fanzinat.
Ceci dit, quand j’ai vu que Mandibula était programmé sur le site du Hellfest cette année (sur la Hellstage), j’ai sauté sur l’occasion pour mettre en ligne cette rencontre avec le groupe, en espérant que de nombreux curieux iront les checker et les soutenir.
Comme mon envie initiale était de ressortir un fanzine papier carrément old school, je n’ai pas hésité à rester dans l’esprit très “années 80” en posant des questions dorénavant considérées comme “interdites” dans le cadre d’une interview menée avec tact : d’où venez-vous, d’où vient votre nom, quelles sont vos influences, etc. Du brut de décoffrage, donc, mais assez adapté dans le cadre d’un groupe qu’il s’agit de découvrir…
Vous verrez aussi que je n’ai pas isolé les propos, agglomérant les réponses (de toute façon assez cohérentes) du vocaliste FK, du bassiste RC, du batteur AP et des guitaristes NC et ALG.

C’est bon pour vous si les réponses sont présentées de manière collective ?
Pas de problème. Nous ne sommes qu’une seule entité !
D’où êtes-vous originaires ?
Rouen. Amiens. Strasbourg. Nantes. Saint Arnoult, dans le Loir-et-Cher. Si on relie les points sur une carte, ça fait un pentacle.
Où répétez-vous ?
Même réponse que précédemment, sauf Strasbourg. Entre nos sessions de répétition (d’environ trois jours), qui peuvent être assez éloignées, on pratique les échanges digitaux.
Quel est votre processus de composition ?
Il y a deux grandes méthodes. La première, et c’est comme ça que l’on a fait pas mal de nos premiers morceaux, c’est : on est ensemble, on joue, on construit une forme à partir d’un petit riff que l’un de nous avait en tête. La deuxième, utilisée pour les morceaux plus récents, est l’extrême inverse : l’un de nous fait une maquette sur son ordi, avec tous les instruments et une batterie programmée.
Pourquoi avoir choisi “Mandibula” comme nom ?
Pour sa connotation tranchante. L’intention qui est venue d’emblée a été de faire référence à la mandibule des insectes et des crustacés, dans une version à la Starship Troopers. Cette image n’a pas été une évidence dès le départ. Certains trouvaient que ce nom sonnait un peu trop comme une blague. Mais on n’a rien trouvé de mieux, et, à l’heure d’annoncer notre premier concert, cette proposition toujours en discussion a fini par s’imposer.
Pourquoi vous êtes-vous mis à jouer du death, alors que dans vos carrières de musiciens, vous vous exprimez dans des styles bien différents ?
C’est le retour à l’adolescence. Peut-être une conséquence de nos crises de la quarantaine. C’est un style que l’on jouait quand on était ado. On ne s’est pas rencontrés pour des raisons de proximité géographique, comme on peut s’en douter, mais du fait que nos nombreux groupes et projets nous ont amené à nous côtoyer dans les événements où nous avons été programmés. On se retrouvait dans les festivals, et on écoutait des groupes comme Slayer à six heures du matin. On s’est rendu compte qu’on aimait tous ça et que ça nous manquait vachement. C’est une envie que l’on avait mais qui n’avait pas encore été assouvie. Il fallait se coller à cette musique que l’on avait dans nos cœurs depuis longtemps. Parmi tous ces groupes croisés dans notre scène indé dont on partageait tous les codes, il manquait un groupe de metal. On a eu envie d’être ce groupe-là.
Pensez-vous que Mandibula ouvre les oreilles du public de vos groupes plus arty et prêche ainsi la cause du metal extrême ?
Ça arrive assez souvent. Des copains viennent nous voir et apprécient le style musical. Mais il faut savoir que l’on ne met jamais en avant notre “background” quand on présente Mandibula. Pas même nos noms. Sur Bandcamp, on signe uniquement de nos initiales. En tant que groupe de metal, on est des petits jeunes qui débutent.
A l’inverse, des authentiques metalheads réfuteraient-ils votre projet en vous qualifiant de posers ou de fake metalleux ?
Aux dernières nouvelles, on n’a pas eu ce cas de figure. Ça viendra peut être avec une plus grosse exposition. On nous a juste dit qu’on souriait trop. Il faut dire qu’on a du mal à cacher qu’on se fait plaisir.
Quels sont les groupes majeurs qui vous ont influencé ?
Les deux grandes mamelles historiques sont Slayer et Cannibal Corpse. Pour un jeu de guitare un peu moins metal, des trucs plus moderne ou plus noise comme Botch, Burnt By The Sun ou Nostromo, pour aller au-delà du modèle strictement 80’s.
Pas de black metal ?
Peut-être l’influence de nos amis de Neige Morte… Au-delà de ça, nos goûts sont éclectiques. Je pense qu’il n’y a pas de style de metal que l’on n’aime pas. Dans le van, on se fait découvrir des tonnes de trucs, et on hallucine de voir tout ce qui existe. Le metal offre énormément de styles différents, et on aime plein d’autres styles de musiques en plus du metal.
Votre interprétation du death est plus noise, que disons, « chirurgicale »…
Dans notre ADN, il y a du punk. Il y a aussi du grindcore. On n’est pas dans le death metal technique, mais plus dans un jeu sur l’énergie. Personne dans le groupe ne souhaite se cantonner au death/thrash. Sans aller jusqu’à se rappeler à l’ordre quand on compose, on a besoin de se recentrer sur le style !
Vos paroles ont l’air assez référencés, avec des titres comme « Lifeless« , « Haunted », « Open Wounds »… Tout ce champ lexical de la violence et de la mort.
On est dans le sujet ! Death ! Il y a de quoi s’amuser à écrire, avec tout cet univers fictionnel. Des petites histoires. Certaines sont plutôt vraies, d’autres sont plutôt de l’ordre du ressenti.

D’où vient votre visuel avec une créature du marais et une potence ?
C’est un design de Admesster avec qui on avait pas mal échangé sur Instagram. On aimait bien la simplicité du dessin en deux dimensions, l’absence de sophistication. Quand on est tombé sur ce visuel hyper poisseux, avec cette texture de logo de black metal illisible, et assez abstrait pour aller au-delà de la simple tête de mort, on s’est dit que ce côté sale et torturé collait bien à notre esthétique sonore. Fin mais crasseux.
Vous avez sorti une cassette plutôt qu’un premier disque. Est-ce une démarche old school volontaire ?
Il s’agissait de marquer le coup de la sortie de la “première démo”, dont le format approprié est la cassette. Au-delà de l’objet iconique, cela permettait de produire un petit tirage, plus adapté à une première sortie. Faire un bon vinyle qui sonne bien, aujourd’hui, ce n’est pas si simple, et ce n’est pas donné. On était plus à l’aise avec la cassette. On verra pour la suite, une fois que l’on aura enregistré nos nouveaux morceaux…
Jouez vous des reprises, ou bien en concert ou bien dans l’intimité du local de répét ?
Non. On a juste un peu fait tourner le thème de Top Gun entre nous, pour s’amuser.
Aviez-vous envoyé votre démo au festival Hellfest ?
Non, mais on connaît des gens qui connaissent des gens.
Avez-vous envoyé votre démo au festival Motocultor ?
Non, mais on devrait le faire. Il faudrait qu’on passe à la poste.

En concert :
Au Hellfest (Clisson, 44)
Samedi 17 juin 2023, Hellstage, 17 h.
Crédit photos :
Mandibula (presse) & Guillaume Gwardeath (live)
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