De quelque point de l’histoire de l’art que l’on se place, on trouvera l’artiste en position de devoir exprimer son rapport à l’espace : oeuvre in situ ou mobile, utilisation du point de fuite ou de l’anamorphose, occupation du white cube, expérience du land art (et bien sûr du street art), etc. Ici, l’enjeu des cinq street artistes invités a été d’exprimer leur rapport à l’espace au sens propre : le monde cosmique, le vide spatial au-delà des atmosphères, éventuellement infini, silencieux et effrayant, en tout cas que celui que mesurent les outils de l’astrophysique.
L’exposition collective (proposée par la galerie Kaxu ex-Spacejunk, le festival Points de Vue et la ville de Bayonne dans le cadre de la saison artistique du Didam) s’intitule Quintessence, du nom de l’énergie hypothétiquement accélératrice de l’expansion de l’univers.

Vincent Sereks a pas mal débordé sur les murs des rues adjacentes. A l’intérieur : ses sortes d’azulejos en briques de construction (et la déclinaison de ces motifs en vidéo psychédéliques) et ses tableaux 3D où des briques Lego sont comme les ruines d’une base spatiale explosée sur le sol martien (trop de café dans un mug Nasa et voilà le résultat).

Didier Mathieu dit « Jaba » signe d’imposantes créations in situ, exploitant tout l’espace disponible pour ses grandes fresques d’astronautes pop, dans lesquelles on a je suppose le droit de voir des influences Moebius et Lucasfilm (son surnom est un indice de taille).
Curiosités : les planètes de Kendo semblant sortir du mur (effet accentué par les débris au sol) et l’utilisation par Ernest Illm du croissant (non pas la portion de Lune éclairée, mais la viennoiserie).

Dans une pièce obscure, derrière un rideau, le travail figuratif halluciné de Charles Foussard fait le lien avec le surréalisme pop (qui a été une des signatures de la galerie Spacejunk) : les formes molles évocatrices de la persistance du temps s’incarnent sur une planète aux cactus de baudruche et aux lacs phosphorescents sans doute chargés de traces de mescaline.
La note d’intention de l’exposition précise que l’ensemble des oeuvres sera destiné à subir le sort de toute oeuvre rattachée au mouvement street art : “leur durée de vie sera limitée et leur existence sera fragile et éphémère”. A l’image de l’univers lui-même, en somme, condamné par l’échéance du big crunch, d’ici quelques milliards d’années.
Quintessence – Explorations contemplatives de la matière.
Didam, Bayonne (entrée libre)
Jusqu’au 12 novembre 2023
Texte et photos : Guillaume Gwardeath, pigiste pour le journal Junkpage
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