“Ce n’est pas la musique qui prime, mais l’aventure humaine”
– Olivier, La Saga des $heriff
Les $heriff sont en quelque sorte passés en garde à vue. Passés aux aveux, voire, tant les membres du groupe de punk rock de Montpellier sont réputés taiseux. Pour libérer les langues, tout a été question de contexte : de larges entretiens, en toute confiance, animés par des têtes connues. Les propos qui ont servi de base au livre ont été recueillis par le journaliste Jean-Noël Levavasseur et par Stéphane Cupillard, qui joue ici le rôle de l’homme de l’intérieur. Ami de longue date des $heriff (il fut aussi leur chauffeur et tour manager) devenu depuis le patron du label Kicking, il se retrouve en charge à présent du management des $heriff, de la sortie de leurs disques, de l’organisation de leurs tournées – et même de l’édition de cette autobiographie. On peut même être tenté de dire qu’il a joué un rôle – conscient ou inconscient – dans la construction de la nouvelle image des $heriff. De la charte graphique de leurs productions jusqu’au choix de leurs engagements scéniques, ils ont carrément évité l’écueil de la ringardisation, risque majeur pour des vétérans en situation de come-back.

La “saga” que Kicking vient d’éditer est donc une histoire que les musiciens des $heriff racontent en personne, sous la forme de souvenirs entremêlés sur environ 300 pages. La présentation-même des protagonistes est un point fort du livre, avec un choix qui semble avoir été fait d’appuyer sur les origines de chacun, avec toute une évocation de la France du droit du sol, une France riche de diversité et de métissages. Parlons, pour déranger les grands mots, d’une “dimension sociologique”.
Un autre point fort est la manière dont est évoqué le passage des années 80 aux années 90, avec toute la structuration d’une scène musicale et (contre-)culturelle – celle du “mouvement alternatif” – aux prises avec la nécessité de s’organiser et de collaborer pour survivre.
“J’avais décidé de consacrer ma vie au rock”, annonce sans nous surprendre le chanteur Olivier, se remémorant son abandon du lycée. Le récit tout entier que commencent à dérouler les futurs $heriff est pour le moins celui d’une familiarisation avec le rock, d’un apprentissage, d’un désir d’imitation auquel succédera la mise en œuvre d’un projet d’émancipation.
Fini le club Mickey de Palavas-les-Flots et les matchs de handball du Montpellier Université Club, les choses sérieuses vont commencer quand viendra le temps des blousons de cuir et des cuites à la Valstar. “OTH était le groupe modèle”, et la jeune bande revient sur sa première expérience : la création du groupe Vonn, à une époque pas si bénie où il fallait enregistrer dans des studios tenus par des musiciens de jazz bien peu compréhensifs et tenter de rallier les concerts en 4L ou J7 souffreteux.
Étonnamment, le récit convoque un éclectique casting où se croisent Jean Mermoz et Manuel Amoros, Paco Ibanez et Michel Fugain, Gilles Bertin et Les Forbans ! Les Ramones sont bien sûr l’étalon musical de référence (“la synthèse du rock des années 50 qu’on adore” dixit Olivier), mais AC/DC et Motörhead ne sont jamais bien loin.
A l’arrêt de Vonn, on assiste à la transition naturelle vers le véritable début des $heriff (“On est allés vers un truc plus minimaliste. Notre objectif, c’était de faire du Ramones français”) et la mise en place d’un concept durable, pour ne pas dire d’une “technique de combat” : “sur scène, il faut des chansons qui bombardent”!
Bien sûr, il y eut “des galères sans nom”, les affres de la drogue dans une “capitale de l’héro” (“Toute la ville de Montpellier a eu l’hépatite C”), des managers aux chiffres “pas clairs”, les inévitables changements de personnel, les doutes, les breaks, les vrais départs, les faux adieux, les coups du sort et les coups de théâtre, mais il faut croire que la recette était bien dosée, car, alors que le temps avance inexorablement vers l’heure du bilan final, Les $heriff sont toujours occupés à composer, enregistrer et tourner, et leur étoile n’a guère pâli.
“On ne peut pas se souvenir de tout, mais dans l’ensemble, il y a plein de bons souvenirs”, résume Michel, l’ancien bassiste. Les $heriff livrent tout ça façon puzzle. Un ouvrage clairement destiné aux fans des $heriff. Un bouquin à échanger contre ses précieux dollars au stand du merch du groupe et à rapporter sous son blouson, un peu corné à cause du pogo, un peu taché à cause de la bière, mais, quelle fierté, orné des autographes de cinq shérifs !

La $aga des $heriff par Les $heriff, avec Jean-Noël Levavasseur et Stéphane Cupillard, Kicking, 26 €
Notes de lecture : Guillaume Gwardeath
Photographie couleur (Michel à la basse et Olivier au chant) extraite du cahier photo inséré dans le livre.
Le livre et toutes les autres productions estampillées Les $heriff sont disponibles sur le site du label Kicking.



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