Vingt après sa parution en CD digipack, le label Kicking ressort ce mois de juin 2025 une édition vinyle du split EP qui avait réuni les groupes Burning Heads et Uncommonmenfrommars : Incredible Rock Machine :

Cette nouvelle version a été remasterisé par Jason Livermore au Blasting Room studio de Bill Stevenson (All, Descendents, Black Flag)…
> à commander ici chez Kicking
Je me suis dit que c’était l’occasion parfaite pour vous proposer la « story » complète (disque + tournée) de cet épisode du punk rock français. A la fois une collaboration et un passage de flambeau entre deux générations.
Avec, par ordre d’apparition :
Ed – Uncommonmenfrommars
Mikis, JBe, Pierre, Thomas – Burning Heads
Alex « Boule » Borel – ingé son
Salim Zouaraa – Sixpack/Buzyman
Blackie et Ray – Hard-Ons
Christophe Bosq et Germain Kpakou – tourneurs 3C
Propos recueillis par Sam Guillerand et Guillaume Gwardeath, dans le cadre du livre Hey You ! Une histoire orale des Burning Heads.
Si vous désirez vous plonger dans l’histoire complète des Burning Heads (de la formation du groupe à l’arrivée de Fra au chant), le livre est toujours disponible via le label, ou bien en librairie ou, encore mieux, sur le stand du groupe lors de leurs concerts.
En complément, si vous ne l’avez déjà vu, je vous recommande vivement de visionner le film documentaire Diesel réalisé par David Basso :
Ed : Les Burning Heads sont tout simplement le tout premier groupe français que j’ai écouté et dont j’ai acheté un album. J’ai passé les premières années de ma vie aux Etats-Unis, à Washington, ville dans laquelle mes parents, bien qu’ils soient Français, ont vécu pendant vingt ans. Ils ont décidé de revenir s’installer en France en 1989, dans une toute petite ville, Serrières, en Ardèche, pas très loin de Lyon. Un gros choc des cultures, donc. J’avais 11 ans. Que ce soit en rock, en hard rock, puis en punk rock, ma culture musicale n’était constituée que de groupes américains… Quand j’ai été confronté à cette nouvelle scène punk mélodique qui a explosé à la moitié des années 90, j’ai senti que cette musique était faite pour moi. C’était incontestablement un style américain, dont les codes et le contexte étaient exclusivement américains. Est-ce que le fait d’avoir vécu là-bas étant môme avait un lien avec ce que je ressentais pour cette musique quand je l’ai découverte ? Peut-être pas, mais en tous cas je m’y retrouvais à fond.
Mon premier souvenir des Burning est encore très clair. J’avais 21 ans. J’étais allé voir, avec quelques potes, le groupe Rhythm Collision à La Cascade (dimanche 26 mai 1996 – NDGw), une salle de Sarras dans laquelle on allait voir quasiment tous les concerts, chaque week-end.
Rhythm Collision cristallisaient tout ce qu’on aimait chez un groupe de punk mélo – on ne savait même pas qui étaient les Burning. On pensait qu’ils allaient ouvrir la soirée. On est arrivés pendant le show des Américains, certains d’avoir loupé la première partie. Juste après leur set, un pote qui nous accompagnait avait dit à un mec qu’il ne connaissait pas, debout juste à côté de lui : « Je ne sais pas si un groupe joue après eux mais si c’est le cas, ça va être compliqué… Ils ont intérêt à assurer ! » L’autre lui avait répondu : « Eh bien, on va faire du mieux qu’on peut… » C’était JBe (bassiste des Burning Heads – NDGw) !
Mes goûts personnels allaient plus vers Rhythm Collision. C’était l’exemple même du groupe qui me donnait ce que j’étais venu chercher : des tempos rapides, des mélodies catchy, une certaine urgence et des chansons simples et directes. Mais j’ai adoré le concert des Burning Heads, et ça m’a interpellé. Ils renvoyaient aussi les codes américains en vigueur à cette époque – les baggy shorts, les casquettes à l’envers et les tatouages – mais leur musique était riche d’autres éléments. C’était différent, moins lisse et calibré, plus sombre dans l’écriture, plus intense aussi…

Les Burning Heads tournaient pour la promo de l’album Super Modern World, qui venait de sortir. Ça m’avait tellement plu que j’ai acheté la cassette quelques jours plus tard à la Fnac Part-Dieu de Lyon – extrêmement fournie en punk rock à l’époque ! Cette cassette, je l’ai trimballée dans ma poche absolument tous les jours ! Où que j’aille, j’étais prêt à la dégainer. Que ce soit pour faire découvrir le groupe à un pote, changer la musique en soirée en cas de DJ désastreux, ou tout simplement pour l’écouter encore et encore. Elle est restée dans ma poche de pantalon plusieurs années de suite… si bien que j’ai dû la réparer trois fois après divers accidents.

Ceux qui ont connu les cassettes connaissent ce geste : dévisser la carcasse en plastique après avoir rembobiné la bande au stylo Bic, et la replacer soigneusement dans un nouvel écrin. Pour la petite histoire, cet album a donc été précieusement conservé, successivement, dans une cassette d’Henri Dès, puis d’un album de Mr. Big et enfin dans celle de Taram et le Chaudron Magique…. Si, un sombre jour d’été, mon chat Zed n’avait pas décidé de faire sa litière de mon sac de cassettes, elle serait certainement toujours dans ma poche…
Avec la découverte des Burning, je me suis dit : « Il y a un groupe en France qui joue ce style, c’est hallucinant ! » J’ai ensuite suivi le groupe au fil de leurs tournées qui passaient à proximité de chez moi et de leurs sorties discographiques, n’en manquant aucune.
Certains de mes potes se sont mis à avoir leur permis de conduire. On a commencé à pouvoir bouger un peu de nos bleds, surtout pour aller sur Lyon, où ça bouillonnait au niveau punk et indé. Essentiellement au Pez Ner à Villeurbanne, où il y avait une programmation vraiment cool. Les Burning y avaient joué deux soirs d’affilée… Bien sûr, on a pris nos billets pour les deux soirs !

Quand Be One With The Flames est sorti, on a un peu célébré ça comme une victoire ! Une porte qui s’ouvrait pour le genre chez nous, une sorte de reconnaissance à l’étranger pour ce groupe français qui le méritait tant. Il y avait enfin un groupe de chez nous dans l’écurie Epitaph ! Et quand l’album Escape est sorti… ça avait encore monté d’un palier ! C’était vraiment énorme. Ce sont mes albums préférés de leur carrière. Même si j’aime énormément Super Modern World et Dive, et que je voue une adoration sans borne pour l’album mésestimé Taranto, ça reste quand même leur période Epitaph qui m’a le plus impressionné.
Bizarrement, on avait que très peu partagé la scène avant la concrétisation du projet de faire un disque ensemble et l’énorme tournée qui a suivi… Je dirais qu’on a dû jouer deux ou trois fois ensemble, grand maximum, avant ça. On s’était rencontrés au festival Rock Sous les Etoiles en juin 2001 à Saint-Symphorien dans le Rhône.
On ne jouait pas ce soir-là, mais on était montés pour les voir. Quand on est arrivés sur le site, un mec m’a présenté à Pierre. Il m’a serré la main et sa première phrase a été : « Cool ce que vous faites, mais faudrait quand même penser à parler en français entre les morceaux… » J’étais comme un con.
A l’époque, on avait un manager un peu à l’ancienne, qui avait des idées quelque peu farfelues. On était jeunes et influençables, on ne se rendait pas trop compte de ce que l’on faisait. Il voulait pousser notre côté américain à fond, en faire un gimmick. Il nous conseillait de parler en anglais sur scène entre les morceaux, d’en rajouter un peu… ce qu’on a fait pendant un moment… On prenait ça comme une blague, sans nous rendre compte du ridicule du procédé !
Pierre, sur cette première interaction, m’a taillé directement. Je respectais beaucoup son groupe ; ça m’avait un peu décontenancé. Et surtout, ça m’avait fait réfléchir. J’étais content de lui avoir serré la main, mais sa réflexion avait touché le centre de la cible… Il avait raison, ça n’avait aucun sens de faire ce que l’on faisait, et ce n’était même pas drôle ! Maintenant que j’y réfléchis, c’est peut-être même suite à ça qu’on a arrêté ces conneries.

La première fois où l’on a vraiment échangé, je dirais que c’est lors d’un concert à Sélestat, où nous partagions l’affiche avec Parabellum, les Hard-Ons et eux.

J’avais cramé mon ampli sur scène… Le temps que je pose ma guitare et que je me retourne, Pierre avait déjà installé sa tête d’ampli sur mon baffle pour que je puisse terminer le concert. C’est d’ailleurs ce soir-là qu’on a dû parler pour la première fois de cette idée de tourner ensemble… C’est une idée qui est partie des groupes, pas d’un tourneur, je le précise. Les Burning ont toujours affirmé que les disques étaient un peu comme des flyers musicaux pour accompagner les tournées, on a donc décidé d’enregistrer un disque ensemble pour coller à cet esprit. Après que ce projet de monstrueuse tournée – 50 jours pour 50 concerts – a été validé, il me semble que c’est mon frère Trint qui suggéra l’idée du split… que tout le monde trouva excellente.
Pour le disque, on a décidé de vraiment le faire ensemble. Pas juste d’enregistrer des titres chacun de notre côté. On est allés dans le même studio et on s’est complètement immergés dans la session. On a enregistré sur le même matériel, avec le même ingé son, les deux groupes au même moment.
On a vraiment partagé l’expérience à 100%. Ça a été une bonne chose de le faire ainsi car on allait ensuite passer presque deux mois ensemble sur la route : ce fut une excellente préparation. On a commencé à vraiment se connaître, à parler, à échanger, à regarder des films ensemble, etc. Le cadre du studio est propice à ça. Il y a beaucoup de moments d’attente, que l’on a pu utiliser pour faire plus ample connaissance. Ça a permis de nouer des liens – on se connaissait si peu avant ça…
Je suis très conscient aussi qu’à cette époque, avec les Unco, il y avait une certaine méfiance de la part de la scène punk rock française vis-à-vis de ce que l’on renvoyait. On était sur une grosse maison de disque, ça a marché assez rapidement pour nous, et on n’était pas forcément liés dès le départ à toute cette scène indé. On est un peu sortis de nulle part, de notre bled, et on a fait les choses un peu à notre façon, sans forcément avoir les mêmes connexions que les autres groupes du genre à cette période. C’est clair que l’on avait une image pas terrible par rapport à certains groupes et un doute de « légitimité » dans ce cadre punk mélodique vu que l’on avait signé très tôt avec un gros label… Il y avait tout ce gimmick américain qui nous collait au cul – personne ne comprenait vraiment si on était effectivement Américains ou si c’était du flan. Les Burning Heads ont su voir à travers ça, et je les en remercie. Une fois en studio pour enregistrer ce disque commun, on a tous vu que l’on avait beaucoup de points communs et surtout on a compris que l’on pouvait ricaner ensemble…
Le studio, ce n’est pas toujours facile. Ça peut vite être assez délicat. Même avec ton propre groupe, avec tes potes, ça peut être problématique… On est face à des situations où l’ego est en jeu. Là, à deux groupes, ça aurait pu être encore plus compliqué ! A certains moments, ça peut s’apparenter à une certaine mise à nu… Quand une prise chant, ou batterie, ou guitare ne passe pas, quand il y a des galères de toutes sortes, ça peut vite tourner au vinaigre. Avec deux groupes dans ce processus, chacun ouvrait son monde à l’autre. C’est vraiment une preuve d’ouverture de faire ça. De confiance, même. On a vu qu’ils étaient comme nous, et ils ont vu que l’on était comme eux. On a des points forts mais on se confronte aussi à des difficultés… A la fin, en travaillant, en essayant de trouver des solutions, on a ce que l’on veut. Enregistrer ce disque ensemble, ça a vraiment cimenté nos relations.
Ils venaient juste de monter leur label Opposite et on trouvait ça vraiment classe qu’ils choisissent cette voie. Surtout après avoir bossé avec de gros labels. Ça ne se faisait pas tant que ça en 2005. Ils ont aussi montré le chemin à ce niveau. Ils faisaient ce que nos icônes dans le microcosme punk hardcore américain avaient fait à la grande époque : sortir leurs propres disques, se démerder tout seuls, travailler avec leurs propres outils et selon leurs propres règles. Le fait que ce soit eux qui sortent le disque rendait la chose encore plus intéressante et stimulante à mes yeux. Faire un disque avec les Burning, déjà, waow. Mais en plus, sur LE label des Burning… dont c’était la première production. Waow.

L’idée de reprendre un morceau de l’autre était tentante mais avait déjà été pas mal faite ici et là. On s’est dits que chaque groupe allait composer la musique d’un morceau, et que l’autre groupe en écrirait les paroles et trouverait les mélodies de chant. Ça poussait la collaboration encore un peu plus loin. Et chaque groupe reprendrait un autre morceau d’un autre groupe, D.I pour nous (« Johnny’s Got A Problem ») et Youth Brigade pour eux (« Did You Wanna Die »). Au total, quatre titres chacun, plus une reprise de chaque côté.
Mikis : Le split Incredible Rock Machine a été le premier disque des Burning Heads sur lequel j’ai joué. C’est aussi le premier paru sur le label Opposite, celui de l’asso montée par le groupe à ce moment-là. L’adresse sur le disque est celle des parents de Thomas. Le président de l’asso, c’était le père de Thomas. Sa copine de l’époque était trésorière. La création de cette structure leur a permis de percevoir des paiements qui leur étaient dûs par la maison de disques Yelen. L’asso Opposite nous a aussi permis de refaire des coproductions avec des petits labels punk à l’étranger, alors qu’auparavant ils n’avaient pas trop envie d’être associés avec une filiale de Sony…
JBe : On a enregistré ce disque en prévision d’une grosse tournée commune, les Unco venant juste d’intégrer le catalogue de 3C, qui devient notre tourneur commun. L’occasion rêvée pour faire un truc ensemble. En fin de compte, les Unco, on ne les avait pas énormément croisés sur la route. On était rarement programmés sur les mêmes concerts, ce qui était un peu dommage.
Pierre : Il se trouve qu’au détour d’une discussion, Trint des Uncommon nous avait fait la proposition en ces termes : “On s’est dits que ce serait cool de faire quelque chose ensemble. Ce serait la rencontre de la old school et de la new school…” Il se trouve aussi que ça a été notre première expérience en tant que producteurs, c’est-à-dire sans avoir un label derrière nous ! Et, enfin, il se trouve qu’un studio nous a été mis à disposition, celui du Peuple De L’Herbe à Lyon, et qu’Alexandre “Boule” Borel, le pote des Unco, pouvait nous enregistrer gratuitement. Cela voulait dire : pouvoir sortir un disque à moindres frais et avec une grande qualité sonore.
Thomas : C’est le troisième disque partagé avec un autre groupe que l’on sort à la suite, après avoir croisé le fer avec Alif Sound System puis Vulgaires Machins. Pourquoi ne pas organiser une tournée commune ? Une GROSSE tournée commune, même. L’idée est validée sans problème quand on annonce que l’on veut se lancer dans une idée insensée, genre 60 concerts en 60 jours. Soyons fous. Germain qui travaillait sur nos plannings de concerts nous prend au mot et relève le défi. A l’arrivée, notre proposition est un peu revue à la baisse, mais de peu ! Il y a 50 concerts en 51 jours.
Bien entendu, on veut faire correspondre cette tournée avec un petit bonus discographique, comme on a toujours eu l’habitude de le faire dans le passé. Un disque dans lequel on veut des interactions, où chacun viendrait participer un peu sur les morceaux de l’autre… avec, cerise sur le gâteau, une reprise pour les deux groupes, en plus des quatre titres inédits chacun.
On enregistre dans le Supadope Studio. Les propriétaires, les mecs du Peuple de l’Herbe, on les connaît depuis longtemps… Il y a dans leurs rangs des éléments qui faisaient déjà partie de la bande de l’asso Silly Hornets et de toute cette connexion lyonnaise des années 80 et 90. Une fois de plus, on fait le truc entre amis, de façon artisanale, à la bonne franquette. Pour sa première fois en studio avec nous, Mikis trouve sa place facilement.
Mikis : C’était un gros home studio, du sérieux. Alex faisait le son des Unco et de pas mal de groupes de hardcore punk de la région de Lyon et Valence. Les deux groupes ont enregistré en même temps. Moi, c’était mon premier enregistrement. Je regardais les autres gars dans la cabine pendant qu’ils jouaient de la gratte et je me disais : “Ah oui, quand même, ça joue bien !”

Alex « Boule » Borel : J’avais déjà bossé avec Pierre, dans le studio de Bou, sur des enregistrements du groupe ISP de Valence. On avait bien apprécié. Comme j’avais déjà bossé avec Unco, je me suis retrouvé aux consoles pour ce projet. J’ai perdu dix ans d’espérance de vie en une semaine. A cause du stress, car c’est quand même une responsabilité d’enregistrer deux des groupes les plus importants de l’époque. On avait peu de temps, et je voulais pousser le degré d’exigence au maximum. Afin d‘obtenir une unité dans le son, Pierre avait le désir que les Burning sonnent systématiquement comme Uncommon. Or Daff, déjà, n’avait pas le même genre de jeu que Thomas. J’ai essayé tant bien que mal d’assurer cette mission impossible. J’y ai passé des nuits entières. C’était une expérience géniale, mais j’ai pleuré des larmes de sang.
Salim Zouaraa (Sixpack/Buzyman) : J’ai participé au morceau “Freedom Tower” mais ce n’était pas prévu. Ils étaient sur place pour dix jours, or on faisait un concert avec mon groupe Buzyman au Bistroy à Lyon. Ils sont venus nous voir et comme d’hab l’invitation s’est faite autour d’une bière. Je suis passé deux jours après pour poser des choeurs.
Thomas : L’artwork est réalisé par Ray, le bassiste des Hard-Ons. J’ai déjà souligné l’importance de leur concert à Toury en 1988. Au risque de me répéter : il s’agit encore et toujours d’une histoire d’amitié dans ce projet de split CD, de A à Z.

JBe : On avait joué avec les Hard-Ons quelque temps auparavant. J’avais discuté un peu avec Ray et à la toute fin du concert (en fait, au moment où ils étaient dans leur camion pour repartir) il m’a crié : “Toi, je t’enverrai un dessin !” Il l’a fait et il l’a envoyé. Du coup, on lui a demandé si on pouvait s’en servir pour la pochette. Il nous a répondu : “Pas de problème, je vous l’ai filé, vous en faites ce que vous voulez.” Cool. Ça nous a fait grave plaisir. Ça a fait une superbe pochette d’album, et une superbe affiche aussi pour la tournée qui a suivi.

Blackie : C’est toujours étrange lorsque Ray bosse pour d’autres. Je tombe sur la pochette et je crois que c’est un de nos disques !
Ray : J’aime beaucoup les Burning Heads. Ce sont des amis. On se connaît depuis DDT (premier groupe de Pierre et JBe – NDGW). Je n’ai jamais cherché à dessiner pour d’autres, mais là le projet s’y prêtait bien, les deux groupes appréciant les Hard-Ons. Ce sont deux groupes que je connaissais bien, tous deux de très bons groupes français. J’ai été très flatté d’être sollicité. Je ne suis pas un artiste visuel professionnel. Si mon art est apprécié, je prends cela comme du bonus. J’ai été ravi de dessiner cette pochette.

Mikis : La photo de pochette a été prise sur un mur à l’extérieur des locaux d’enregistrement. On a simulé une baston entre les deux groupes. On a bien rigolé. Ça a été une bonne chose que de continuer par une petite tournée. Quelques dates ensemble, ça pourrait être sympa, une occasion de faire vraiment connaissance. Ça a donné la fameuse tournée des “51 concerts en 51 jours” qui a fini en “50 concerts en 51 jours” : une date a sauté après que le chauffeur a pété la remorque en Espagne dans un rond-point !
Pierre : J’ai reçu un coup de fil de notre tourneur Christophe Bosq qui m’a dit : “Bon, ça serait bien qu’on puisse se voir sur Paris, j’ai quelque chose d’important à vous annoncer. Les temps sont durs, mais il faut qu’on parle d’un truc.” Dans ma tête, ça voulait dire qu’il allait nous faire dégager. On s’est bel et bien rencardés sur Paris. Il a commencé par expliquer : « Il y a des groupes à notre catalogue qui ne marchent pas très bien et dont j’ai envie de me séparer.» Là, j’ai pensé : « Oh putain. »
Il nous a ensuite parlé de certains artistes hyper chiants avec qui il travaille, des artistes très exigeants quant à leurs conditions mais qui ne ramènent pas de monde aux concerts. Il nous a dit : “Ce genre d’artistes, on aimerait bien s’en séparer. Par contre, avec vous, les Burning, on aimerait bien envoyer la purée un peu plus. Ce qu’on vous propose, c’est de valider cette idée de 50 concerts en 50 jours. Est-ce que ça vous dit ?”
Christophe Bosq : Si on réussit à concrétiser ce genre de propositions, ça donne des souvenirs qui restent à vie. Mon plan de départ, c’était de partir sur un tour du monde en 80 jours ! Bon, on s’est vite aperçus que c’était quelque peu irréaliste. On réduit la voilure sur 50 jours / 50 concerts. Ça sonnait bien. Officiellement, on ne l’a pas fait comme ça, parce qu’on n’a pas le droit de faire 50 concerts en 50 jours : la législation française impose un jour de repos obligatoire tous les six jours. Disons qu’on s’est un peu arrangés avec le calendrier… Et tout le monde était largement consentant !
Germain Kpakou : En fait cet Incredible Tour est vraiment le premier projet que j’ai mené au sein de 3C. La scène d’introduction a été à peu près la suivante :
– T’as déjà fait du booking ?
– Non.
– Tu devrais monter une tournée de 50 jours / 50 dates, ça va t’entraîner !
– OK.
J’ai heureusement été bien aidé et bien encadré par mon mentor, Jimmy Kinast de 3C, à présent dans le groupe Mars Red Sky… Tout le monde s’était embarqué dans l’aventure avec enthousiasme. C’était grisant. Les gars étaient à fond et “moteurs” de toutes les initiatives.
Uncommonmenfrommars se sont retrouvés associés aux Burning Heads pour cette tournée tout simplement parce que c’étaient les seuls barjos capables de dire oui à un tel projet. L’idée était de mettre en avant la fine fleur du punk rock français sur un seul plateau dans le but de faire converger des publics différents aux concerts.
Le booking avait plutôt bien fonctionné, avec des programmateurs qui ont joué le jeu. Il y avait un paquet de lundis, de mardis et de dimanches dans l’histoire, et aussi des dates à l’étranger et beaucoup de monde à faire rentrer dans un tour bus. Et puis un jour, les 50 dates ont été confirmées et ce village a pris la route ! C’était émouvant de voir le truc se réaliser et le bus quitter le quai. À ceci près que le bus, justement, a été une sacrée source de problèmes. Problèmes de chauffeurs, problèmes d’itinéraires, problèmes de mécanique.
Avec cette tournée, j’ai découvert les appels à minuit quand le groupe est coincé à l’arrière de la salle avec un chauffeur en excès d’heures de conduite, les demi-tours devant des ponts sous lesquels le bus ne passait pas, les appels désespérés de la tour manageuse de l’époque… C’était une très belle tournée qui a connu comme toutes les vraies aventures son lot de galères. Et puis il y avait la question de l’endurance et de l’énergie des gars. Jouer tous les soirs sans day off, c’est un challenge pour tout musicien… et encore plus pour un chanteur ! Mais tout s’est bien passé, avec 50 publics ravis, une magnifique date à Paris et une chaleur intense autour des guerriers. Tout simplement parce que c’étaient les seuls maboules capables de valider un tel projet à l’époque.

A la Cave aux Poètes (Roubaix). Photo Eric Brizaut.
Mikis : Avec les Uncommonmenfrommars, on se connaissait sans se connaître. On se croisait depuis super longtemps sur les concerts, mais dans le cadre festif de la déconne dans les loges, tu n’engages pas des conversations très poussées…. On avait l’image de gars qui faisaient un peu trop leurs Américains, quand ils étaient jeunes. Ça parlait américain sur scène et hors de scène ! Bon, ça s’explique : ils étaient Français, mais nés aux Etats-Unis. On a dit que c’est les Burning Heads les plus californiens des groupes français, mais en fait, non : c’était eux ! On était un peu moqueurs. A côté de nous, ils avaient l’air clairement l’air moins destroy. Ça jouait grave, mais ça ne criait pas trop. Ça chantait en faisant des harmonies, on aurait dit une petite chorale..
Et puis, jour après jour, cette grosse tournée nous a permis de nous rendre compte que c’étaient vraiment des bons gars. Quand tu passes autant de jours dans un tour bus, tu ne peux plus tricher. Les masques tombent ! Et puis, bon, c’était un putain de groupe ! Un vrai groupe de scène, avec de l’esprit et un sens de la formule au micro entre les morceaux. Plutôt agréable.
JBe : Au début, on se jaugeait un peu. On avait gardé le souvenir de leurs débuts sur scène, quand ils se parlaient carrément en anglais entre eux entre les morceaux. On ne savait pas que c’était leur façon normale de communiquer entre eux ! Quand tu ne le sais pas, tu peux prendre ça comme une certaine forme d’arrogance. Puis on a appris à se connaître et ça a super bien gazé. C’est vraiment des bons lascars.
Pierre : On les voyait à nos concerts en tant que fans. On voyait Ed très souvent. Ils avaient signé sur Wagram et avaient connu un certain succès. Ça nous avait mis un bon coup de pression de nous retrouver à faire leurs premières parties. Et un bon coup de vieux. Et un bon coup de fouet aussi, parce que ça nous a fait du bien de rejouer dans des salles où il y avait du monde… grâce à eux. On était des anciens mais on nous redonnait la chance de jouer devant un nouveau public. Ça s’est bien passé et on jouait encore tous dans la même cour, celle du punk rock. On a vendu des T-shirts et on a passé du bon temps. Ils n’ont pas été d’accord pour que l’on joue en premier. Ils ont même proposé que l’on tire l’ordre de passage au sort tous les soirs ! On s’est arrangé intelligemment selon les villes en fonction de quel groupe était plus ou moins une star locale ici ou là, voire selon l’état de fatigue des uns ou des autres.
Thomas : Vu le périple qui nous attendait, ça ne pouvait se faire qu’en tour bus. On ne peut pas dire que l’on ait des goûts de luxe mais sur une tournée comme celle-ci, ce fut obligatoire. Le programme a été serré, sans temps mort. Il y a eu beaucoup de concerts, donc ça paraissait rentable financièrement. Les salles institutionnelles françaises, dans lesquelles on peut jouer dans de bonnes conditions, nous ont permis de partir à l’étranger où là, c’est beaucoup plus compliqué… On pouvait y jouer dans des squats ou des petits bars, ce qu’on ne faisait pas en France ou alors très rarement.
Ed : J’étais hyper content, j’allais pouvoir voir les Burning Heads 50 fois ! Génial. C’était la première fois que nous étions en tour bus avec les Unco. Les Burning l’avaient déjà fait quelques fois. C’était un peu comme dans un rêve. En tour bus, tout devient plus facile. L’organisation des journées est différente. Rouler de nuit permettait de prolonger les périodes de fête. Il n’y avait plus de limite de temps…
Je ne connais pas les détails économiques, mais je crois savoir que c’est une tournée qui a perdu beaucoup d’argent… Sur les 50 jours, il y a eu de belles dates mais aussi des dates plus roots… Je ne me rappelle d’aucune prise de tête entre les deux groupes toutefois ; le mood était excellent. Le tour bus favorise aussi ça : il y a tellement de monde dans le bus que tu n’as pas le temps de te prendre la tête avec quelqu’un. Tu n’es pas dans un van avec trois ou quatre autres personnes, où là, tout est plus compliqué…
Ed : Je me souviens d’un détail qui avait failli compliquer les choses dès le départ, alors que nous n’en étions qu’au stade de régler des problèmes de logistique par email. Les Burning fument énormément, on le savait. C’était vraiment le couac avant le tour… Un de mes frangins avait imposé que ça ne fume pas dans le bus… Pierre avait répondu : « No way, on fume comme on respire. Ce que vous nous demandez est impossible ! » C’était un peu monté dans les tours, mais on était finalement tombés d’accord. OK, ça fumerait, mais les fumeurs se mettraient à proximité de la ventilation, de manière à ne pas importuner les non fumeurs. Ça a fonctionné ! Pour vérifier si le système était bien allumé quand le bus roulait, on plaçait une feuille de papier contre la ventilation : si elle tremblotait, on pouvait fumer ce qu’on voulait. Pour l’anecdote, on avait déchiré une page du magazine Rocksound pour faire ce test… C’est donc une photo d’un keum du groupe parisien de neo metal Enhancer qui nous a accompagnés durant toute la tournée lors de nos pauses fumette.
Thomas : Au départ, on pensait des Unco qu’ils étaient peut-être trop sages, mais on a vite été rassurés : les mecs savent se marrer sur la route. De leur côté, ils pensaient que l’on était peut-être trop drogués et à l’arrache, mais ils se sont vite rendu compte que l’on est en fait plutôt calmes. Pour les deux camps, ce fut une bonne surprise. Nous n’étions pas des phacochères, ils n’étaient pas des enfants de choeur. Plus jeunes et fringants, ils représentaient un peu ce que représentaient les Burning quelques années en arrière, notamment dans l’incarnation de certains codes du punk américain que l’on pouvait nous aussi renvoyer vers la moitié des années 90… Ils sont en l’occurrence à moitié Américains, ce qui ne gâche rien et ajoute même un peu de piment dans la sauce ! On ne s’est pas engueulés. On a bu et on s’est drogués raisonnablement. Toutes les anecdotes, même mauvaises, n’ont fait que renforcer le côté solidaire de l’équipe et les liens entre les gens. On pensait que ce serait dur physiquement et humainement et finalement tout s’est bien déroulé.
Mikis : Je crois que Thomas a gagné le Crusty D’Or à l’occasion de cette tournée : le nombre maximum de jours consécutifs sans prendre de douche. Il a dû pousser le record à plus de 15 jours, peut-être même 18.
Thomas : J’ai tenu 22 jours ! J’avais dit à tous mes collègues qui si mes odeurs commençaient à les gêner, je me retirerais de la compétition.. Finalement, je m’en suis retiré tout seul, car ma copine allait arriver ! Sinon, j’aurais pu continuer…

La tournée :
Vendredi 17 mars 2006 : Udine (Italie) AF Concerti
Samedi 18 mars 2006 : Milan (Italie)
Dimanche 19 mars 2006 : Montreux (Suisse)
Lundi 20 mars 2006 : Grenoble (38)
Mardi 21 mars 2006 : Lausanne (Suisse)
Mercredi 22 mars 2006 : Barcelone (Espagne)
Jeudi 23 mars 2006 : Girona (Espagne)
Vendredi 24 mars 2006 : Andoain (Espagne)
Samedi 25 mars 2006 : Gijon (Espagne)
Dimanche 26 mars 2006 : Lisbonne (Portugal)
Lundi 27 mars 2006 : Madrid (Espagne)
Mardi 28 mars 2006 : Jerez (Portugal)
Mercredi 29 mars 2006 : Almeria (Espagne)
Jeudi 30 mars 2026 : Valence (Espagne)
Vendredi 31 mars 2006 : Saragosse (Espagne)
Samedi 1 avril 2006 : Savigny-Le-Temple (77) à l’Empreinte + Blazcooky
Dimanche 2 avril 2006 : Reims (51) à La Cartonnerie
Lundi 3 avril 2006: Colmar (68) au Grillen (Zone 51) + Deadline
Mardi 4 avril 2006 : Bourges (18) au 22 (Emmetrop)
Mercredi 5 avril 2006 : Paris (75) à l’Elysée Montmartre + Dirty Fonzy + Jetsex + Gravity Slaves + Dead Pop Club
Jeudi 6 avril 2006 : Le Mans (72) à L’Oasis
Vendredi 7 avril 2006: Angers (49) au Chabada
Samedi 8 avril 2006 : Orleans (45) à L’Astrolabe
Dimanche 9 avril 2006 : Pagney Derrière Barine (54) Chez Paulette + Uncommonmenfrommars
Lundi 10 avril 2006 : Roubaix (59) à La Cave Aux Poètes
http://rockpixels.free.fr/burning/burning.html
Mardi 11 avril 2006 : Amiens (80) à la Lune Des Pirates
Mercredi 12 avril 2006 : Alençon (61) à La Luciole
Jeudi 13 avril 2006 : Hérouville Saint Clair (14) au Big Band Café
Vendredi 14 avril 2006 : Chelles (77) aux Cuizines + Elevenz
Samedi 15 avril 2006 : Bolbec (76) au festival Manyfest
Dimanche 16 avril 2006 : Le Val d’Ajol (88) Chez Narcisse + Flying Donuts
Lundi 17 avril 2006 : Nevers (58) au Café Charbon
Mardi 18 avril 2006: Clermont-Ferrand (63) à La Coopérative De Mai
Mercredi 19 avril 2006 : Lyon (69) au Ninkasi Kao + ISP
Jeudi 20 avril 2006 : Larnod (25) au Cylindre (Mighty Worm) +
Vendredi 21 avril 2006 : Saint-Etienne (42) au Hall C + White Card + La Trempe
Samedi 22 avril 2006 : Tulle (19) aux Lendemains Qui Chantent
Dimanche 23 avril 2006 : Rennes (35) au Mondo Bizarro
Lundi 24 avril 2006 : Rennes (35) au Mondo Bizarro
Mardi 25 avril 2006 : Verneuil-sur-Avre (27) à la salle des fêtes (Les Froggles Rock) +The Elektrocution
Mercredi 26 avril 2006 : Lorient (56) au Manège
Jeudi 27 avril 2006 : Bordeaux (33) à la Rock School Barbey
Vendredi 28 avril 2006 : Angoulême (16) au Mars Attack
Samedi 29 avril 2006 : Breuil Barret (85) à la Salle Polyvalente (Les Nuits du Breuil) The Pookies + ISP
Dimanche 30 avril 2006 : Albi (81) au Chapiteau des fêtes du quartier La Renaudié + Dirty Fonzy
Lundi 1er mai 2006 : Les Pennes Mirabeau (13) au Jas’rod + Fis(ch)er + Guerilla Poubelle
Mardi 2 mai 2006 : Avignon (84) aux Passagers Du Zinc
Mercredi 3 mai 2006 : Billère (64) aux Anciens Abattoirs (Ampli)
Jeudi 4 mai 2006 : Biarritz (64) à L’Atabal
Vendredi 5 mai 2006 : Auch (32) au Cri’Art
Samedi 6 mai 2006 : Toulon (83) à L’Indiana + Control Alt Sup

En écoute intégrale ici :



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