Laurent Terrade City Blues


Nous avons appris le décès de Laurent Terrade, disparu au mois de juillet dernier. Laurent a été notamment très actif dans la scène indé des années 90, dans la ville d’Angers.

Il était investi au sein des collectifs qui organisaient les concerts d’obédience indie à Angers, ses photographies ont illustré un ou deux albums des Thugs, il a été road des Shaking Dolls et a joué dans les groupes Death Row B et surtout Explosive Coolies, qui fit paraître un CD en 1994 sur l’emblématique label Black & Noir.

Il avait quitté Angers après la séparation des Explosive Coolies puis était parti vivre une nouvelle vie à Bruxelles avec l’équipe du cinéma Nova, avant de s’installer à Paris pour former le projet Hovertrain :


Je l’avais brièvement croisé il y a trois ans, après la projection du film Fanzinat au Chair de Poule à Paris. Il m’avait rappelé que dans la deuxième moitié des années 80, il avait animé le fanzine Underground Life : une dizaine de numéros publiés, avec des articles sur Les Thugs, O.T.H., Los Mescaleros, Kid Pharaon, etc.

Photos live par Thierry D.


Auteur du livre Black & Noir, enragez-vous ! paru en fin d’année dernière, Patrick Foulhoux avait interviewé Laurent Terrade pour un ultime portrait de cet « artisan d’une noisy pop encore balbutiante en France au début des années 90 ».

Avec l’aimable autorisation de Patrick, je reproduis ici ce témoignage, pour saluer le parcours de ce représentant (et je cite la pochette intérieure de la compilation On Another Planet du label Black & Noir) des « rebelles sans poses, ardents activistes, sans excessives attitudes, humains, sincères ».

Laurent Terrade (Explosive Coolies – guitariste, choriste) :

« J’ai assisté au tout premier concert des Thugs, le 1er juin 1983, dans un bar à Angers, Le Chameau. À partir de ce moment-là, je me suis lié d’amitié avec Éric et Christophe Sourice. À l’instar du Bromley Contingent, le « fan-club » des Sex Pistols à Londres, j’ai « créé » le Civette Contingent des Thugs à Angers, du nom du bar où la scène rock locale avait ses habitudes. Nous étions une dizaine à en faire partie. Le Civette Contingent suivait le groupe un peu partout.  

J’ai appris la guitare grâce à Christophe Sourice. C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier un jour où on était en train d’écouter les Kinks. En me voyant taper du pied, il m’a dit : « Tu devrais te mettre à la guitare, ça t’irait bien ! » Dans la foulée, j’ai monté Death Row B. Éric nous avait même proposé de sortir un 45 chez Black & Noir. Malheureusement, le groupe n’a pas duré assez longtemps – on a splitté avant.


En septembre 1991, avec Jean-Pierre Théolier en provenance de Seconde Chambre, on a formé Explosive Coolies. Sylvie Cappe nous a rejoints à la basse en novembre de la même année et, plus tard, en 1993, Christophe Dellis est arrivé à la batterie. Jusque-là, nous utilisions une boîte à rythmes. De temps en temps, pour les concerts, Christophe Sourice remplaçait Christophe Dellis. 

On a enregistré une première démo chez Pascal Ianigro dans son studio. J’ai envoyé la cassette un peu partout. Ayant déjà fait un fanzine, j’avais un petit carnet d’adresses, donc, naturellement, je m’occupais du management du groupe. On a eu une chronique dans Best. On a réussi à placer des titres sur des compilations, en Allemagne et en Espagne ; tout s’est enchaîné très vite. On commençait à pas mal tourner. 

Un jour où Éric est passé nous voir en répète, il nous a proposé de sortir un maxi 4 titres, « pour commencer ». En CD uniquement, le vinyle étant en perte de vitesse à ce moment-là, à mon grand regret. On a signé un contrat, mais c’était plus symbolique que formel. On se connaissait suffisamment bien dans la mesure où j’étais souvent fourré au magasin ; on passait des après-midi entiers à discuter et à écouter de la musique. 


Pour les quatre titres, nous sommes retournés chez Pascal Ianigro, avec Christophe Sourice aux manettes. Christophe étant un ami, il était naturel que je lui demande. En revanche, « Mama Droga » qu’on retrouve sur la compilation Enragez-vous ! a été fait chez Iain Burgess qui venait juste de s’installer à Noyant-la-Gravoyère. Son collègue Peter Deimel appréciait particulièrement le groupe. Ils nous ont invités à enregistrer un morceau pour tester le matériel. On a passé une chouette après-midi, bien arrosée.

Le CD nous a ouvert un tas de portes. On bénéficiait d’une certaine notoriété à Angers – on jouait vraiment beaucoup – mais on était peu connus à l’extérieur. Cependant, le disque commençait à produire son effet, et Éric m’a toujours dit que nous étions leur meilleure vente. On était tous prêts à se mettre en disponibilité pour se consacrer exclusivement au groupe…

Tout s’est brutalement arrêté suite à un accident de la route. On revenait d’une fête. Je suis passé à travers le pare-brise et le sonorisateur à travers la lunette arrière. Sylvie en a eu marre. Il faut dire que je baignais pas mal dans la dope. L’accident a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Avec Jean-Pierre, Olivier « Cali » Fournier de Bepi Faliero et un batteur, on a un petit peu continué avant de finalement arrêter peu de temps après. »


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