Après l’expo de Maxime Galipienso à Total Heaven, et avant de revenir sur Tu Dors T’Es Mort à l’Envers et sur Agusti Garcia à La Mauvaise Réputation, deux mots sur l’expo que le CAPC consacre à Tomoaki Suzuki :
Non, il ne s’agit pas d’une expo consacrée au tatouage, même si on peut tomber dans le panneau en survolant du regard la com officielle de l’événement : des prises de vue de la sculpture intitulée « Adam », le Adam éponyme étant un modèle visiblement amateur de tattoos neo-old school.
Rien de tel que la prose originale du commissaire d’expo Alexis Vaillant pour piger le concept en deux citations extraites du dossier de présentation :
1 – « saisissantes silhouettes hiératiques posées à même le sol, les sculptures de Tomoaki Suzuki évoquent les modes de vie et styles vestimentaires contemporains en réactualisant les traditions millénaires orientales de la sculpture sur bois »
2 – « Tel le flâneur du XIXe siècle, mais immergé dans le monde des magazines et au fait des spécificités des codes du début du XXIe siècle, il observe les faunes lookées de Londres où il vit depuis 1999, et porte sur eux (sic) un regard anthropologique interrogeant leur impact sur nos vies comme leur côté éphémère. »
Bref, le jeune Suzuki sculpte des hipsters et des slackers de leur temps, avec tous les détails utiles à la chronodatation de chaque lancement de sous-mode : Uggs, hoodies, baggies, Vans à damier, les sprays de peinture, le combo bad boy Adidas-chaussettes blanches-revers sur les jeans, etc. Un mélange de Hector Obalk, des do’s et dont’s de Vice, et de fétiche arumbaya – car comme pour la célèbre statuette du San Theodoros (attention : spoiler), la taille des sculptures de Suzuki c’est entre 50 et 60 centimètres. Les étudiants en art vont pouvoir se régaler en théorisant sur l’occupation par une vingtaine de figures lilliputiennes de la nef piranésienne du CAPC.
En tout cas il y aura grave la queue les jours de fréquentation, car l’entrée sera limitée à une jauge cumulée de 15 pax max, histoire que les oeuvres ne se fassent pas culbuter.
Je recommande aux futurs visiteurs de ne pas hésiter à s’allonger (c’est propre au CAPC, le sol a été vitrifié) pour profiter des effets de perspective, et reluquer au mieux ces versions en tilleul peint de quelques spécimens des communautés « cool » des environs de Shoreditch et Hackney.
A ce stade, j’hésite à citer Roland Barthes (« en attestant que l’objet a été réel, le punctum induit subrepticement à croire qu’il est vivant ») ou Coluche (« la bonne longueur pour les jambes, c’est quand les pieds touchent bien par terre »).
En tout cas, moi aussi j’aimerais avoir le pouvoir de réduire les hipsters à l’échelle 1/3.
Vernissage le 4 avril à 19h00 (il y aura du monde et à cause de la jauge réduite à 15 visiteurs dans la Nef, il risque pour une fois d’y avoir plus la queue pour aller voir les oeuvres que pour tenter de pécho du pif).
Expo à visiter jusqu’au 1er juin 2014.
Site officiel : www.capc-bordeaux.fr
Photos : à l’iPhone perso et instagram.com/gwardeath, trop hipster/slacker t’as vu ?