C’était une bonne idée : l’association Allez Les Filles a organisé la conférence de presse présentant le festival Relâche dans les murs de ce qui fut Le Jimmy (ou plus précisément : Le New Jimmy).
En pédalant sur le chemin, j’ai commencé à ressentir des frissons. Rue Mouneyra, rue Héron, rue manon Cormier… et arrivée au 68 rue de Madrid.
« Le Jimmy » en 2015. Je rêve ou Captain n’a pas bougé ?
On avait pu lire dans Junkpage comment le bâtiment avait été racheté et réaménagé par un couple d’architectes. Ils étaient présents. Il me semble bien avoir entendu une amie ou une parente du couple leur poser la question : « Mais pourquoi les gens touchent-ils les murs, comme ça ? ».
Extrait du bouquin « Scènes de Rock en France » de Max Well et Poulain. J’ai conservé le scan mais qui est l’enfant de salaud qui m’a emprunté ce putain de bouquin et ne me l’a jamais rendu ?!!!
On parle souvent de « lieu culte » ou « lieu mythique », de manière galvaudée ou exagérée. Je crois que Le Jimmy a mérité ses galons. La liste des groupes qui y ont joué est tout simplement impressionnante.
Le Jimmy dans son jus. Ce n’est pas une photo Instagram et il n’y a pas eu besoin d’un filtre pour donner un effet « vintage ».
Ce soir, chacun y est allé de ses anecdotes et souvenirs (souvent carabinés), mêlant concerts de la Mano Negra (quatre soirées volcaniques), de Laurel Aitken ou Desmond Dekker, Henry Rollins ou Fugazi, de baston au concert des Nekromantix ou …. d’ annulation le jour même de Nofx, venant de s’apercevoir que Bordeaux n’était pas sur la route entre Londres et le Bénélux, en fin de compte.
Francis, toujours DJ dans les murs du Jimmy en 2015…
Francis, l’ancien programmateur « historique » du Jimmy des années 90, a cité un des concerts que je cite systématiquement quand j’évoque mes souvenirs les plus marquants du Jimmy : celui de Dominique A en première partie de Moe Tucker (du Velvet Underground, alors accompagnée de Sterling Morrison). C’était en 1992 (« il devait y avoir 400 personnes à l’intérieur, et au moins autant dehors qu’on avait du refuser »).
L’en-tête du Jimmy pour son programme en 1993
J’ ai vécu au Jimmy des expériences (si ce n’est des chocs) musicaux tellement définitifs que j’avais littéralement la chair de poule en revoyant les lieux. Et oui, madame, j’ai moi aussi touché les murs.
J’ai vu au Jimmy tous les groupes bordelais : Exhume, Mush, les Straw Dogs, Tschack, Fistonflesh, Belly Button, Tomy, Deche Dans Face…
Pendant les années 90, j’y ai vu les Burning Heads et DDT, ainsi que, euh, Snuff, les Real Cool Killers, les Lemonheads, les Pleasure Fuckers, Doughboys, Voodoo Muzak, Victims Family, Today Is The Day, Hammerhead, Treponem Pal, Cro Mags, Big Chief, Big Drill Car, 7 Seconds, Deity Guns, Cop Shoot Cop, Leatherface, Therapy?, Driveblind, les Supersuckers, The Gories, Cosmic Psychos, Yo La Tengo, Bullet Lavolta, Girls VS Boys, Alice Donut, All, Consolidated, Agnostic Front, Madball, Biohazard, Immortal, Jon Spencer, DRI, Afghan Whigs, The Ex, Royal Trux, Unsane, Condense, Neurosis, Chokebore, Doo Rag, les Mummies, les TV Killers, Portobello Bones, RKL, The Queers, les Ruins, Cornershop, Half Japanese, Jean-Louis Costes, Grotus, Nashville Pussy, Turbonegro, Dropdead, le Tribute aux Hard-Ons organisé par Bad Karma et aussi les New Bomb Turks, le 1er mai 1993, le jour où Pierre Bérégovoy s’est fait sauter le caisson. Bon, j’arrête là, la liste ferait dix pages. Vous mesurez le potentiel de ces groupes ? L’influence déterminante que cette programmation a eu sur la scène locale ?
Des vestiges dignes des ruines du Palais Gallien.
J’ai interviewé des tonnes de ces groupes pour des fanzines ou pour Radio Campus Bordeaux, pour qui je bossais alors. On faisait des liaisons par téléphone : moi au téléphone (le combiné était au bout du bar près de l’entrée) et Captain (oui, le Captain qui vous berce actuellement sur Radio Nova) depuis le studio, sur le Campus, en train de demander « alors, comment est l’ambiance ? On en est où côté bastons ? Des filles sont-elles en train de vomir ? » et de caler des vinyles.
De ma visite du jour, j’ai pu confirmer mon souvenir comme quoi la salle était plutôt petite : une trentaine de mètres carrés pour caser le public, plus la partie sur le côté entre la scène et les chiottes.
Dans mon article consacré au come-back de Mush paru dans Clubs Et Concerts en janvier dernier, j’avais salué leur réinterprétation de leur répertoire 1994-95 « à l’heure où Le Jimmy est devenu un appartement témoin pour spécialistes en gentrification ».
Les archis qui ont racheté , à grand peine paraît-il, le 66-68 rue de Madrid m’en avaient grave voulu d’avoir pondu ces lignes faciles. En plus d’être archis, je peux te dire qu’ils étaient archi vénères.
Alors je dis : j’ai pu constater de mes propres yeux que la partie « club » du Jimmy a été quasi-intégralement conservée dans son jus. Elle n’est pas devenue une salle de jeux. On n’y trouve pas un jaccuzi. Ils n’en ont même pas fait un garage pour abriter leur bagnole (bon, OK ils y mettent leurs vélos mais c’est cool – et les sonorisateurs du Jimmy faisaient de même à l’époque eh eh). Hey. Ils ont juste gardé le fantôme du Jimmy, qui malgré quelques accrocs de-ci de-là à sa tunique, a encore gardé toutes ses couleurs.
Le combo historique : tuyau d’arrosage + chiottes du Jimmy
Voilà où est passée votre jeunesse. Méditez à présent.
POST SCRIPTUM 2015 :
On était quand même là pour écouter Francis, tête pensante de l’association Allez Les Filles, présenter la programmation de l’été du festival itinérant bordelais Relâche.
Le détail va être en ligne sur leurs sites www.allezlesfilles.net et www.relache.fr.
La programmation sera marquée par la présence, pour reprendre l’expression de Francis, d’une « ribambelle de soul queens du rhythm’n’blues ».
Quelques rendez-vous à noter :
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La soirée d’introduction le dimanche 14 juin au Parc des Angéliques avec Radio Birdman, Flamin Groovies et 999
>>Candye Kane le dimanche 12 juillet, et Nikki Hill le lundi 13 juillet au square Dom Bedos.
>> Sallie Ford le mercredi 15 juillet aux Vivres de l’Art.
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Lisa & The Lips et The Excitements le vendredi 24 juillet au Parc des Angéliques
Etc.
Ces concerts sont gratuits, et, non, ils n’auront pas lieu au Jimmy !
Voilà comment on s’amusait à Bordeaux, les jeunes, avant Alain Juppé, le Café Pompier et les concerts sous la halle à Darwin.
2 réponses sur « Retour au Jimmy »
[…] le jimmy en 2015 […]
[…] pour un moment IRL.]J’ai adoré voir Turbonegro avec Hank au chant dans des clubs, comme au Jimmy à Bordeaux ou le Pez-Ner à Villeurbanne.Au Jimmy, pour la première fois, c’était en 1996, […]