La version en ligne de Junkpage étant toujours en carafe à ce jour, je poste ici une version rendue un peu plus « web friendly » (amicale pour le réseau internet) de l’article que j’ai publié dans le numéro de l’été, consacré à l’expo de José Antonio Suarez Londoño au CAPC, à Bordeaux.
L’expo est à visiter jusqu’au 26 juillet (Galerie Ferrère, deuxième étage) >> infos pratiques ici
Acharné du détail, José Antonio Suarez Londoño décline un remarquable répertoire symbolique. A voir au CAPC, armé de patience et de verres grossissants.
L’INTIME MAGNIFIÉ
Le plus étonnant, c’est de s’entendre dire que l’artiste n’est pas du tout une sorte de névrosé reclus, mais un homme affable, ouvert et volontiers disponible. A l’examen de son oeuvre, ou du moins de la sélection que le CAPC donne à voir, on pourrait s’imaginer un tout autre tableau. Un éternel étudiant renfermé, passant ses journées et sans doute ses nuits à crayonner avec l’abnégation d’un moine copiste, et développant un goût obsessionnel pour les reproductions, les hommages, les séries et les compositions symétriques. Etudiant, José Antonio Suarez Londoño, né en 1955, venu de Colombie, l’a été à Genève, où il a suivi un enseignement en arts visuels et en design. Il travaille actuellement dans l’atelier de gravure La Estampa à Medellin dont il est l’artiste résident permanent.
L’exposition intitulée « Muestrario », c’est-à-dire « livre d’échantillons », multiplie les supports a priori modestes : carnets, petits papiers, calendriers, journaux intimes, cartes de voeux, et même des séries tamponées à l’aide de timbres encreurs sculptés dans des gommes de bureau.
Le visiteur se pose la question : suis-je en train de déflorer une collection secrète ? Ces oeuvres n’avaient-elles point vocation à rester confidentielles ? Etaient-elles pensées dès leur création comme des oeuvres à l’attention d’un public ? En tout cas, elles ont été compilées et conservées, des années 70 à nos jours. La collection est massive. Et le souci du détail y est tel que ce n’est pas faire une plaisanterie que de conseiller au visiteur de venir équipé d’une loupe philatélique.
Décrypter le méli mélo des sources d’inspiration de José Antonio Suarez Londoño est une expérience en soi. Bien sûr, l’Histoire de l’Art défile sous nos yeux plissés, l’artiste réalisant sur le tard le travail dont il avait toujours rêvé à ses débuts : apprendre en copiant les classiques, l’exercice didactique de l’Académie par excellence. Reproduire les oeuvres, rapporter les sculptures en deux dimensions sur le carnet à dessins. Références à la Renaissance et à Degas cohabitent, jamais loin d’un motif encyclopédique ou de figures que l’on croirait décalquées d’un vase grec antique. On devine des promenades à la campagne, des visites dans un musée d’histoire naturelle.
Des références récurrentes marquent le rythme : la boxe, la poésie (Rimbaud et Rilke) ou la culture pop, avec la présence répétée de Taxi Girl, Patti Smith, ou Brian Eno…
On peut apprendre de la bouche de Suarez Londoño que dans son enfance, sa source principale de distraction était l’observation des gravures destinées à illustrer le dictionnaire. Cette rétrospective le montre semblant affairé à documenter – si ce n’est à célébrer – une mythologie des âges modernes, dont le classement reste à achever.
Photos : toutes à l’iPhone par Guillaume Gwardeath sur le lieu de l’expo.