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Maturité, mensonge, mode : Bordeaux en état de Shock

Vis ta vie en 45 rotations par minute. Now playing : Shock. Punk hardore avec des gars qui tiennent bien les murs de la maison à B.D.X. Straight edge et/mais bien sombres dans la digne tradition des Men In Black : Voile sur la face / Un bonheur qui laissera des traces / Pour tromper la mort. OK tu vois le tableau.


Ils ont sorti un 7’’ sur Destructure, avec la dose légale de riffs rapides – mais qui défonce aussi grave en slomo.

Illustration Freak City a.k.a. Mathieu, le vocaliste du gang. C’est lui qui répond à mes questions, en binôme avec le bassiste Fabro.

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Salut les gars. Ça se passe bien la vie à Bordeaux ? La gentrification ne faiblit pas trop ?

Fabro : Yo ! Pas trop mal la vie à Bordeaux… Faut juste pas chercher d’appart, ça commence à coûter deux bras.

Mathieu : Salut ! Eh bien tant que cette gentrification ne me pousse pas à habiter le nouvel éco-quartier Ginko, je dirais que la vie ne se passe pas si mal à Bordeaux.

Je peux vous demander de nous dérouler vos CV ?

Mathieu : Je tiens le micro, comme je l’avais fait par le passé dans 21 Enemy et Courage, parmi d’autres projets obscurs et éphémères.

Fabro :  Basse. Pour les groupes les plus notables dans lesquels j’ai joué : Gasmask Terrör, Warning//Warning au chant et quelques autres… Sinon dans Shock y’a Tim à la guitare (Hondartzako Hondakinak, Fraude…) et Boubi à la batterie (Endless Flood, Bombardement, ex-Monarch et un sacré paquet d’autres).

Musicalement, vous annoncez jouer quel style ?

Mathieu : Je dirais du hardcore punk assez cru et dur. Si on doit utiliser des cépages, alors je me risquerais à annoncer une dose de hardcore comme il s’en jouait à Boston en 1982, un soupçon de celui de NYC de 1984, et une pincée de Chaos En France parce que bon, quand même, c’est notre terroir.

Fabro : Ouais, assez influencés par le hardcore ricain des années 80, autant de Boston et NYC comme l’a dit Mathieu mais aussi de Washington DC, Californie… mais avec un son cru, bruyant et « actuel ». On n’essaie pas de sonner rétro.

NOW PLAYING SHOCK - web.jpg

Sur les cinq titres du EP, quatre sont en français : c’est représentatif de votre répertoire ?

Mathieu : C’est assez représentatif, oui.

Vous nous expliquez en deux mots le choix de ce chant en français ?

Mathieu :
Marre d’entendre majoritairement des paroles vagues chantées en anglais approximatif, car c’est trop souvent une excuse au grand n’importe quoi. Pas certain cependant qu’on comprenne littéralement ce que je beugle, mais j’ai au moins la conscience tranquille. On pourrait dire que c’est la maturité, mais ce serait mentir, ça pourrait tout aussi bien être la mode ou le besoin de crédibilité.

Une question très Bordeaux Rock : est-ce qu’on peut dire que des groupes comme Öpstand, ou plus tard Face Up To It! aient eu une influence sur des gars comme vous ? Pas forcément d’un point de vue strictement musical, mais dans l’attitude, et le fait tout simplement de former un band, enchaîner les concerts,sortir des skeuds, etc. ?

Mathieu : Absolument, et j’imagine que c’est valable à leur niveau local pour tous ceux qui ont découvert les scènes hardcore punk avant l’apparition d’internet.

Fabro : Oui, carrément. J’ai connu Öpstand que lorsque le groupe était déjà mort mais Face Up To It! est le groupe que j’ai dû le plus voir en concert dans ma vie et je les ai parfois accompagné en tournée soit les mains dans les poches, soit parce qu’on tournait ensemble avec un de mes groupes. Dans l’underground (et le punk DIY en particulier) j’aime le côté « volontariste » et le fait qu’on n’attende pas que quelqu’un nous prenne la main pour enregistrer des disques ou faire des tournées. Et rien de tel que ta scène locale pour te mettre directement sous le nez le fait que faire tout ça c’est tout à fait possible.

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Je suppose qu’on peut dire que l’éthique punk rock hardcore DIY fait partie de votre cahier des charges ?

Fabro : L’éthique punk DIY fait en effet partie du fonctionnement de Shock. Après, ce n’est pas d’une rigidité absolue, on fonctionne beaucoup aux affinités et au cas par cas. Et tu te doutes bien qu’un groupe c’est pas quatre personnes qui pensent pareil sur tout et notamment sur cette question éthique. Perso, je crois au fonctionnement DIY. C’est un choix et non une façon de faire par défaut, et je crois que c’est la formule la plus épanouissante et pertinente. Ca m’a permis de voyager à travers le monde, de rencontrer pleins de gens, de sortir des disques et tout ça sans manager, sans contrat, sans rider, sans sponsors et sans vraiment savoir jouer d’un instrument. Que demander de plus ? De la thune ? C’est pas le but d’en faire donc non.Je ne vois pas l’intérêt de fonctionner différemment à part beaucoup d’emmerdes supplémentaires…

Mathieu : Reste à définir précisément l’éthique en question. On n’est pas tous d’accord sur ce que cette démarche sous-entend, mais j’imagine qu’on a réussi à trouver un équilibre cohérent après quelques désaccords et discussions animées. Par exemple, on n’a toujours pas de manager qui décide à notre place de la couleur de nos patchs sérigraphiés, si jamais ça a une importance.

Avez-vous un compte Facebook ? Instagram ? Bandcamp ? Ce n’est pas du tout une question piège mais dans l’affirmative, est-ce qu’on peut dire que c’est compatible avec l’éthique DIY ?

Mathieu : On alimente mollement un Bandcamp pour le groupe, mais je ne trouve pas ça plus immoral que de copier sa démo K7 sur des bandes Sony achetées chez Leclerc en 1987. Les années passent, les compromissions restent.

Fabro : D’accord avec Mathieu. Je sais que tu précises que ce n’est pas une question piège donc prends pas ma réponse pour toi mais c’est toujours le même débat stérile : tu refuses d’être sur Bandcamp t’es trop radical et relou, t’es dessus t’es contradictoire. Et ce « procès » est la plupart du temps fait par des gens qui n’ont rien à foutre d’une quelconque éthique DIY. Ne prendre aucune position sur rien de peur que d’autres ne pointent du doigt nos inévitables contradictions s’apparente un peu à de la lâcheté, non ?

Ça ne pose pas de souci de balancer tous les titres du disque sur internet, d’ailleurs ? Vous ne vous êtes pas dit que vous pourriez garder l’exclu pour ceux qui chopent le 45 tours ?

Mathieu : On est en 2018, je ne vois pas l’intérêt de se passer d’une diffusion complète sur internet, ou de le proposer uniquement sur Soulseek pour faire chier les gens et les obliger à réinstaller ce programme sur leur MacBook. Sans compter que ça fera moins de vinyles dans les bacs soldes à 1€, et moins de plastique dans les océans qui termineront avalés par des dauphins.

Fabro : Aucun souci pour ma part, mes groupes ont toujours mis leurs disques en accès libre sur internet. J’achète beaucoup de LP et 45 tours et si je le fais c’est pour l’objet, le rituel d’écouter un disque en posant le vinyle sur la platine et en tenant la pochette dans mes mains. Pas pour avoir l’exclusivité du contenu du disque par rapport aux autres.

Deux mots sur le label Destructure : comment s’est faite la connexion ?

Mathieu : Eh bien Nico/Destructure est au hardcore punk français ce que l’espadrille/chaussette est à l’été : un classique inévitable ! Ca peut sembler douteux, mais c’est avant tout une question de goût !

Fabro : Je connais Nico depuis assez longtemps. Depuis l’époque où il jouait dans Amanda Woodward en fait… Ça commence à remonter. Il a sorti les deux derniers skeuds de Gasmask Terrör. J’ai envoyé l’enregistrement à Nico, il l’a beaucoup aimé et a été de suite ok. J’étais pas hyper à l’aise, j’aime pas trop demander à un label ce genre de choses. Même si c’est un pote. Depuis la sortie du 7″ je lui ai d’ailleurs redemandé s’il en était content, s’il regrettait pas… Il semble en être très content et devrait même sortir notre prochain disque, un 12″ qu’on a tout juste commencé à enregistrer.

Le EP, vous l’avez enregistré où et comment ?

Mathieu : Avec du matériel hi-tech entre le Void et le Fridge, il y a très longtemps. Un an et demi entre les prises instrus et le chant, je plaide coupable à 200%. Et c’était Michol aux manettes, qui gère aussi le son de ce même Void Club.

Ben tiens, niveau clubbing, vous avez fait quoi, comme bons shows ces derniers temps ? Vous avez rencontré des gens à la cool ?

Mathieu : En tant que troubadours modernes, on se donne à 100% lors de nos concerts, qu’il s’agisse de notre vingtième concert de première partie à l’Athénée Libertaire un mardi soir, d’un café tabac PMU de Périgueux, d’un bar resto associatif de Villefranche-de-Rouergue ou d’un festival sur plusieurs jours organisé par Arrache-Toi Un Œil et Destructure Records. Pour un punk, un pilier de comptoir aviné ou ta cousine, le plaisir de jouer est toujours le même. Et il y a immanquablement une rencontre qui transformera le plus foireux des concerts en meilleur moment que de rester confiné chez soi à mater des reportages sur le rock et la vie des hardos sur la route (OK, ça c’est un coup bas – NDGw).

Fabro : La paire de dates qu’on a fait tout récemment avec Nightwatchers de Toulouse était bien cool. Notamment le fest Ville Maudite à Paris…

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En ce qui concerne votre nom, Shock, il n’en existe pas des dizaines dans le monde, avec qui on pourrait vous confondre ?

Mathieu : Bien sûr que si ! Mais si on n’innove pas avec le son, pourquoi le faire avec le nom ?

Fabro : On est le vingtième Shock référencé sur Discogs… sur trente-six. C’est pas si mal. De toute façon les noms en un seul mot c’est devenu chaud d’en trouver un qui ne soit pas déjà pris maintenant. Les potes de Diktat avait même eu des menaces de procès par un obscure groupe de death grind parisien qui avait déposé le nom à l’INPI ou je sais plus quoi. Sérieux les gars ?! Vous vous êtes vraiment dit que ce serait judicieux de dépenser plein de thunes pour déposer le nom de votre groupe de grind qui a sorti une pauvre demo CDR y’a plus de dix ans ?! Sinon le Shock le plus connu ça doit être le groupe de funk américain des années 80 qui ont sorti un paquet de disques à l’époque. Y’a aussi le groupe de punk 77, américain également, plutôt pas mal. Ils avaient un tube plutôt efficace : This Generation’s On Vacation. Y’a aussi un groupe français à dreadlocks qui s’appelle Shock! (avec le « ! ») et qui se décrit comme « ACID TEKNO PUNK RAP » donc peu de chance qu’on nous confonde avec eux…

Bon, vous n’auriez pas gardé Shock comme blase,  comment vous seriez-vous appelé ? En d’autres termes, c’était quoi les autres noms sur la short list ?

Mathieu : Dur de se rappeler, et je crois même que le nom nous a été imposé par le sieur Ardilouze de Gasmask Terrör, pour parer à nos navrantes suggestions.

Fabro : Je préfère pas me souvenir…

Allez, pour terminer, un peu de name dropping. C’est quoi les groupes qui vous ambiancent bien en ce moment ?

Fabro : Récemment y’a le LP de Sheer Mag qui est un peu mon disque de l’été. Le 12″ de Gutter de Lille : Punk-Rock bien poisseux et rampant. Ils/elles ont bien choisi leur nom. On a fait deux dates avec eux/elles cet hiver, c’est excellent en live et c’est des gens de compagnie fort agréable. Le LP de Tu Brüles Mon Esprit de Angers : sorte de kraut rock dansant sur fond de textes de variété française. Ouais, ça fait pas rêver comme ça mais ça marche à fond. La démo de Chain Cult, post-punk de Grèce, aussi, les 7″ de Blazing Eye, le dernier Youth Avoiders, Piss, noise-punk de Berlin, Skitklass, Tokyo D-beat, Obstruction, du Texas… En hip-hop le Czarface/MF Doom et aussi du yéyé comme les compiles « Singapore A-Go-Go » et « Swinging Mademoiselles ».

Mathieu : B Boys, Bodega, Parquet Courts, Turnstile, John Maus… J’ai passé mon adolescence dans le sud-ouest, je mentirais si je disais que Pennywise et No Fun At All n’avaient pas tourné à balle sur ma platine cet été.

Multimédia :

Shock est (mollement) sur Bandcamp.

Belles photographies noir et blanc par Charlotte Monasterio. Merci.

Making of  :

J’ai pris la photo du EP en train de tourner sur ma platine dans ma piaule, pour satisfaire ma communauté Instagram.

Propos recueillis dans un bike & beer & baber shop de coworking vegan sans alcool ni gluten à Bordeaux Metropole par Guillaume Gwardeath. Si vous aimez les dauphins et la préservation des océans, vous trouverez encore plus de news en suivant mes réseaux sociaux :

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