Le cadeau de la scène punk française à la scène punk française en cette fin d’année : Punk Rawk 2018. Un numéro anniversaire. Un numéro pertinent et riche en infos fraîches. Un numéro fun. Cent pages pleines à craquer. Futur collector garanti.
Au sommaire :
Générosité et éclectisme, avec Justine, Not Scientists, Youth Avoiders, Guerilla Poubelle, La Flingue, Charly Fiasco, Burning Heads, Vegan Piranhas, etc.
Dossier surf avec Demon Vendetta et The Irradiates à l’honneur !
La nouvelle OI française avec Lion’s Law, Bromure, Syndrome 81, Litovsk, etc.
Vétérans défunts ou ressuscités : O.T.H., The Decline!, Les Rats, Les $heriff, Komintern Sect, Seven Hate…
J’ai demandé à Frank Frejnik, rédacteur en chef de ce numéro unique, de nous en dire plus :
Qui est responsable de ce reboot de Punk Rawk Mag et comment vous est venue l’idée ?
Probablement moi. Je suis adepte des projets farfelus, comme tu sais. J’en ai causé à mon compère Olivier Portnoi en début d’année. Il a validé le projet. Il y a eu ensuite plusieurs faux-départs avant de s’y mettre sérieusement fin septembre. Le projet reposant sur l’alignement des 8 (1998 : création du magazine, 2008 arrêt du magazine), on devait absolument sortir ce one shot en 2018… d’où une certaine tension à tenir le délai.
Cela dit, ce n’est pas une idée “nouvelle”. Entre nous, on a souvent parlé d’un éventuel reboot de Punk Rawk, notamment à la fin du magazine, en 2008, comme je l’ai expliqué dans l’édito.
Ce qui a sans doute le plus inspiré Punk Rawk 2018, c’est qu’au cours des dix dernières années, lorsque j’accompagnais des groupes en tournée — notamment ceux dans lesquels joue Olivier —, j’ai rencontré pas mal de lectrices et de lecteurs qui ont témoigné combien Punk Rawk avait été important pour eux. Au delà d’une satisfaction personnelle, on a surtout apprécié que beaucoup étaient devenus actrices et acteurs de la scène qu’on leur avait exposée. Ils et elles jouent dans des groupes, organisent des concerts, s’occupent de labels ou de structures ou sont simplement actives et actifs dans leur région… Ça, c’était vraiment cool.
Peux-tu nous faire un flashback et nous expliquer ce qui était arrivé au Punk Rawk historique, celui que l’on trouvait en kiosques il y a dix ou vingt piges ? L’affaire n’était-elle tout simplement plus viable financièrement ?
On a arrêté parce qu’on était sans éditeur et aussi, avouons-le, parce qu’on en avait marre. Les ventes de Punk Rawk ont toujours été plutôt correctes. Elles s’étaient bien entendu érodées avec le temps, mais permettaient toujours au titre, et ce même à la fin, d’être bénéficiaire.
Punk Rawk s’est arrêté en 2008 quand le dernier éditeur en date (Ace Of Spades Productions) a stoppé net son activité à la suite des mauvais chiffres de ventes des mensuels Rock Sound et Hard’N’Heavy, magazines qu’il avait rachetés et relancés en même temps que Punk Rawk. D’ailleurs, il me semble bien que ce sont les ventes du dernier numéro de Punk Rawk qui ont permis à Ace Of Spades Productions d’écoper les dettes engendrées par Rock Sound et Hard’N’Heavy.
Il faut néanmoins préciser que Punk Rawk coûtait moins cher à fabriquer que d’autres magazines, même du temps des précédents éditeurs du titre, notamment grâce à une équipe réduite et souvent multicarte. A la fin, Olivier et moi, on était capables de tout gérer, du contenu à la maquette, en passant par le CD sampler ou la publicité. Nos pigistes étaient également plutôt conciliant.e.s et motivé.e.s, acceptant un volume de piges conséquent pour des enveloppes bien en dessous des tarifs habituels. Punk Rawk fonctionnant à l’économie, l’équilibre financier était plus facilement atteint.
Punk Rawk ne s’est donc pas arrêté par manque de lecteurs. On peut même affirmer qu’il comptait un lectorat fidèle – entre 8 et 10000 lecteurs – et de nombreux labels et groupes le soutenaient. C’est pour ça qu’on avait pensé continuer Punk Rawk d’une autre manière. Mais on n’avait jamais développé l’idée.
Comment avez-vous acté le choix de la couverture de ce numéro exceptionnel ? Débat ? Evidence ? Tirage au sort ? Gros dessous de table ?
Pour la couverture, il n’y a pas eu débat : c’est mon choix. J’ai toujours beaucoup apprécié Justine. Leur dernier album étant, à mon humble avis, l’un des meilleurs disques punk rock sorti l’an passé, ça suffisait pour imposer le groupe en couverture de ce one shot. L’intérieur du mag a été, en revanche, beaucoup plus difficile à élaborer, on avait une très longue liste de groupes pouvant potentiellement figurer au sommaire.
Proposer un magazine gratuit, n’est-ce pas lui nier sa valeur ? N’auriez-vous pas pu fixer un prix vraiment bas, ne serait-ce que symboliquement, pour éviter que des sagouins ne se servent allègrement dans les stocks et réserver ainsi la lecture du magazine aux vrais motivés et aux vrais passionnés ?
C’est vrai que la vision de magazines déchirés, traînant au sol après un concert ou en train de se noyer dans la bière sur un comptoir m’a effleuré l’esprit. Cela dit, aujourd’hui, j’ai plus peur que les gens ne dévalorisent le travail des magazines et fanzines non gratuits. Ce n’était pas l’objectif.
Evidemment, il y a toujours un risque qu’un sagouin, pour reprendre ton terme, ne prenne un exemplaire de Punk Rawk mis à dispo sur un concert et le déchire pour le jeter dans le pogo. La scène punk rock n’est malheureusement pas exempte de cons et de beaufs. De même qu’un groupe politique et engagé pourra attirer des gens peu concernés par ses textes et son discours simplement parce qu’il joue fort et vite. La gratuité de ce numéro a l’avantage de permettre à tout le monde de se servir… J’aime à croire que ça permettra à des gens, jeunes ou moins jeunes, de découvrir toute la vitalité du punk rock français.
La gratuité de Punk Rawk 2018, c’est un choix de facilité. Ne pouvant pas accéder aux kiosques comme auparavant, je ne voulais pas me retrouver à gérer des dépôts-ventes, courir après les thunes des exemplaires vendus auprès des dépôts ou des groupes qui en auraient pris avec eux… Mais je tenais également à proposer un magazine gratuit. J’ai toujours aimé les trucs offerts dans les concerts ou chez les disquaires : les newsletters, les zines, les magazines, les stickers, etc.
Et surtout, je voulais voir si l’idée de départ était jouable, à savoir un magazine financé par la vente d’encarts publicitaires (des labels et des structures du circuit français) et distribué par les groupes, les lecteurs, etc. Sur l’idée du “By the kids / For the kids” : un magazine par la scène punk / pour la scène punk ! Il y a tellement d’effervescence dans la scène punk rock française, tellement d’actions et d’initiatives, tant de bonne volonté et de bons groupes, mais rien qui relie tout ça, c’est dommage. Peut-être qu’un magazine (ou un fanzine d’envergure) pourrait être ce lien. Ou peut-être pas… Le punk rock français a très bien vécu sans ce lien jusqu’à présent…
Tout le monde a déjà dû vous poser la question cent fois, mais sérieux, vu la motivation apparente de la nation entière à mettre la main sur un exemplaire, ça ne te donne pas envie d’embaucher une dream team et de sortir Punk Rawk sur une base régulière ?
J’adorerais qu’un magazine sur le punk rock, ou un fanzine à grand tirage, existe en France. Il y en a en Allemagne (Ox Magazine), en Angleterre (Vive Le Rock), aux USA (Maximumrocknroll, Razorcake), etc. mais personnellement, je ne me sens pas ou plus capable de gérer un tel truc sur le long terme. J’ai fait Punk Rawk 2018 “presque” seul, ça montre donc qu’un tel projet est possible et complètement envisageable s’il est géré par une équipe compétente et motivée. Je me ferais une joie d’aider et de conseiller. Avis aux amateurs.
Merci Frank !
Photos : Guillaume Circus et Olivier Portnoi au service après-vente, Punk Rawk 2018 à Jack Burger’s à Capbreton, Punk Rawk 2018 au skateshop Arts’N’Clothes à Hossegor.
Propos recueillis par Guillaume Gwardeath. Si vous aussi vous frémissez à l’idée de traîner au sol après un concert ou de vous noyer dans la bière sur un comptoir, vous trouverez encore plus de news en suivant mes réseaux sociaux :