Hank von Helvete (1972-2021) – Mon corps est un temple, et ce soir je le démolis.

Hank von Helvete vient de mourir à l’âge de 49 ans, annonce la presse norvégienne, sans préciser la cause du décès. Tué par la mort, sans doute.

L’image de l’ancien vocaliste volcanique de Turbonegro restera gravée dans nos mémoires. Un incroyable showman, à la fois humain (trop humain, et trop humide) et “bigger than life” comme disent les anglophones. Plus grand que la vie. Plus gros que la vie (“I’m fat and I’m nationwide”).

Bien entendu, il nous reste une poignée d’albums à continuer à faire tourner sur nos platines avec une païenne dévotion. Je sais que « Ass Cobra » (1996), “Apocalypse Dudes”’ (1998) et “Scandinavian Leather” (2003) sont dans les charts non négociables d’une majorité de mes amis et connaisseurs. Certains s’en éloignent, beaucoup y reviennent. Surtout après une caisse de bières ou deux.

J’avais entendu parler de Turbonegro pour la première fois après leur participation houleuse au festival Saint Amant Rock Ça Vibre (Auvergne) en août 1995 où ils avaient pris la scène d’assaut juste après … Sons Of The Desert !

Voici le compte-rendu paru à l’époque dans les pages du fanzine Tranzophobia :

“Les Turbonegro sont le seul groupe PUNK que j’ai jamais vu. Incroyable. Ils ont réussi à faire passer le public de St-Amant pour un tas de vieux babas sur le retour. Le chanteur est un crossover entre Freddy Mercury et Henry Rollins avec un lourd passé houblonné derrière lui, le guitariste se paye la tête d’Adolf Hitler, etc. Chantres de la provocation imbécile et gratuite, ils nous ont fait hurler de rire avec leurs “J’aime la bombe atomique” et “Je baise tous vos enfants”. Ça n’a pas fait rire tout le monde, puisqu’ils ont passé toute la fin du concert sous une pluie ininterrompue de canettes (qu’ils ne se gênaient pas de renvoyer dans la tronche du public…). “

On peut voir des photos de ce concert dans le livre de Morten Andersen : Ass Time Goes By, Turbonegro 1990-98.

Photo extraite du livre de Morten Andersen

Il est vrai que Hank parlait (un peu) français (ses parents avaient une maison de vacances vers le Luberon) et qu’il partait dans des envolées plus ou moins contrôlées. A Bordeaux, je l’ai vu prendre à partie un agité du public, l’invectivant au micro  – “Je te reconnais : tu es le collaborateur du gouvernement de Vichy !” – et le calmant bien évidemment aussi sec. [NB : je vous raconterai autour d’un drink l’interview que nous fîmes pour la radio locale et sa réponse au point de savoir si on avait le droit de critiquer la Norvège eu égard à sa politique de chasse à la baleine. Je ne peux pas publier ça en ligne. Ce sera un bonus/malus pour un moment IRL.]

J’ai adoré voir Turbonegro avec Hank au chant dans des clubs, comme au Jimmy à Bordeaux ou le Pez-Ner à Villeurbanne.

Au Jimmy, pour la première fois, c’était en 1996, entre noël et nouvel an (!), alors qu’ils descendaient vers la célèbre Sala Jam de Bergara au Pays basque sud. La deuxième fois, au même endroit, c’était deux ans plus tard, entre une date qu’ils avaient au Kafe Antzokia à Bilbao et leur passage au Gibus (Paris) qui devait marquer bien des esprits.

Dans les années 2000, je pris la route de bons nombres de festivals à travers l’Europe pour me délecter de la puissance, de la charge émotionnelle et du décalage surréaliste de Turbonegro en concert  (dont un cadeau surprise d’anniversaire pour ma femme de l’époque en Flandres belges).

Quand je travaillais dans une salle de concerts à Bordeaux, je les avais programmés, un dimanche de décembre 2005, dans la foulée d’une tournée one shot Espagne/Portugal. Ce devait être leur seule apparition française, juste après leur concert de Bilbao. Bien entendu (et à ma grande déception), ils ont annulé ce concert – juste avant la mise en vente des billets, toutefois, je remercie encore le management.

Je me souviens aussi de leur concert au Trabendo (Paris), brut de décoffrage, sans première partie, en décembre 2007, à la faveur d’un jour off dans le cadre de leur tournée européenne en première partie de Marilyn Manson, après ou avant Bruxelles. Merci encore pour le show et pour nous avoir évité de devoir nous taper Marilyn Manson ! On avait fait une interview avec le groupe dans les loges à cette occasion (pour Abus Dangereux n°104) et la photographe Emmy Etié qui m’accompagnait avait shooté une photo parfaite en un seul clic décisif, dans les escaliers, quelques secondes avant la musique d’intro (la photo avait fait la couverture).

Oui, je fais tourner mes disques de Turbonegro et je me souviens de toutes ces virées pour aller voir Hank von Helvete assurer son rôle de frontman dysfonctionnel sur cette scène de théâtre shakespearien que doit être un authentique concert de rock.

Hank von Helvete nous laisse aussi avec la plus belle (la seule ?) chanson de rock sur la calvitie, “Hell Toupee”, et, rien que pour cet accomplissement, Prince du Rodéo, puisses-tu reposer en paix en ton panthéon, avachi avec grâce sur le marbre de l’éternité.


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