De fin février à fin avril 2022, j’ai fait un tour de France à vélo, à mon rythme.
Comme c’était l’année de mes 50 ans, l’idée était de faire une étape par jour, chaque point de bivouac devenant ainsi une bougie que j’allumais sur la France, ce grand gâteau d’anniversaire.
J’avais d’abord rédigé cette note au futur (mon projet), puis au présent (au fur et à mesure que l’on me posait des questions alors que je roulais) et enfin au passé, quand il s’est agi de partager mon expérience aux personnes, voyageuses à vélo ou non, que cela pourrait intéresser.
Mon vélo :
C’est un VSF Fahrradmanufaktur T100 : solide, allemand, une référence. Mon modèle est une « entrée de gamme ». Je l’avais acheté car il me paraît vraiment hybride : bon pour la ville, les chemins, les petits déplacements du quotidien ou les longues promenades. Ses pneus de 28 sont assez larges pour pouvoir avancer dans des terrains un peu dégradés ou difficiles.
J’ai adapté le vélo au voyage longue distance en posant des supports pour deux bidons d’eau, des porte-sacoches à l’arrière et à l’avant, et une selle Brooks. J’ai monté des pneumatiques Schwalbe Marathon Plus, réputés les plus fiables (et ça a bien fonctionné : zéro crevaison)… De plus, en cours de voyage, j’ai posé des petits prolongateurs sur le cintre, pour pouvoir varier un peu mes positions de mains.
Mon itinéraire :
Pour préparer mon voyage, j’avais acheté la carte IGN n°924 : « Voies vertes et véloroutes de France », une référence sérieuse ! J’avais surligné les principaux itinéraires possibles, puis j’avais fait mon choix et interconnecté les tronçons. Je faisais ça le soir en rentrant du taf, pour m’évader dans ma tête. Cette carte d’état major est restée assez longtemps punaisée au mur du salon, jusqu’à ce que ma meuf n’en pût plus et exigeât un décrochage. Pauvre France.
NB : Pour des raisons de vie professionnelle, j’ai dû partir de Poitiers. Comme j’avais déjà fait au préalable un Tarnos – la Rochelle aller-retour, je me suis dit que c’est bon, on pouvait accepter cette petite simplification. C’est cela même l’essence de la vie : des petits arrangements avec soi-même.
En fin de compte, grosso modo, j’ai suivi ce très schématique itinéraire prévisionnel (avec quelques modifs dues aux circonstances) :

Mon principe de base a été de rouler le moins possible au contact des voitures et des camions. Les grands axes ont bien sûr été proscrits et j’ai évité même les « petites départementales », que je trouve dangereuses, bruyantes et bien souvent désespérément inintéressantes.
J’ai privilégié les voies vertes, les sentiers, les passages à travers champs, le littoral, les rives de cours d’eau, les pistes forestières, etc. et bien sûr les pistes cyclables. Mon critère : si un chemin fait au moins 10 centimètres de large, je peux le prendre !

En conséquence, j’ai rarement suivi des lignes directes d’un point de départ à un point d’arrivée, mais j’ai « tiré des bords », par les chemins de traverse. C’est plus cool, c’est plus calme, on voit des belles choses, on croise des animaux, on entend les oiseaux, on peut réfléchir au destin.
Le train (ou le tram-train) a parfois été une bonne solution pour rentrer dans les villes (ou en partir) très mal desservies par les itinéraires adaptés aux vélos.
Au total, j’ai parcouru environ 5000 kilomètres.

Pour manger :
J’ai fait les courses au fur et à mesure, en général dans des épiceries de village ou de petites villes, en surveillant mon vélo (toujours attaché, bien sûr) depuis l’intérieur. J’avais une popote de camping, avec réchaud à gaz et gamelle. De temps en temps, j’ai mangé un plat au restaurant, ou j’ai avisé un food truck pour un (veggie) burger.

Pour dormir :
Il est très difficile de prévoir où se finira l’étape chaque jour. Une heure environ avant la tombée de la nuit, je commençais à observerle bord de la route à la recherche du bon spot.
• J’avais une tente de trekking, un tapis de sol et un (bon) sac de couchage, mais la quasi totalité des campings étaient fermés (leur ouverture se faisant progressivement courant avril).
• En campagne, je montais la tente dans des endroits sûrs et discrets. Je ne laissais absolument aucune trace en repartant. J’ai utilisé du savon de Marseille et même mon dentifrice était bio et végétal.
• Quand je ne trouvais pas de spot pour monter la tente, en général après avoir roulé de nuit, je profitais tel un coucou d’un abri provisoire : auvent, lavoir couvert, abribus, pont, etc. C’est un peu roots mais ça a toujours fait l’affaire. J’ai vécu ça comme une halte dans un refuge de montagne. Je m’endormais paisiblement, avec mon couteau commando pour faire office de doudou.
• Si le hasard du timing me faisait arriver dans une ville, difficile de bivouaquer ou de poser sa tente dans le jardin de la mairie : j’essayais de traverser et dépasser la ville, ou bien je m’accordais un hôtel dans la rocade. Comme je suis sympa, la plupart du temps, les gérants me laissent rentrer avec mon vélo dans une chambre du rez-de-chaussée ! Mais vous l’aurez compris : entre l’impossibilité de bivouaquer, la circulation, le risque de vol de mes sacoches voire du vélo et la difficulté à s’orienter pour en rentrer et sortir, mieux vaut éviter les villes !

Être hébergé chez l’habitant :
C’est toujours un plaisir d’être invité à passer, à partager un repas et à être hébergé pour une nuit. Je suis complètement reconnaissant envers mes hôtes. Hélas il y a des contraintes : il faut que l’adresse n’implique pas un détour important, et il faut aussi que le hasard du timing permette une arrivée en fin de journée/début de soirée.
Je prévenais mes contacts ainsi :
• « Si j’arrive chez vous le matin ou l’après-midi, sans doute je ferai une pause, mais juste le temps d’un café ou d’un jus de fruits, car le reste de la journée mon temps sera consacré à pédaler et avancer ! Voilà le paradoxe et je m’en excuse : je sollicite volontiers un toit pour faire étape, mais il se peut que je vous dise « non merci », non pas parce que je suis une diva ingérable, mais parce que mon parcours et mon emploi du temps dépendent de nombreux facteurs (comme disent les vélos de La Poste). Si le point de chute n’est pas sur mon itinéraire, il sera bien souvent mission impossible d’envisager un détour. On ne fait pas un crochet à vélo comme on le ferait en voiture ! Mais en tout cas on peut essayer de se rencarder. Si ça marche pas cette fois-ci, à marchera peut-être à la prochaine ! »
• « Pour le dîner, je rappelle que je ne mange pas les animaux. Je serai heureux avec une assiette de pâtes. Comme j’ai besoin de sucres lents et de protéines, je suis aussi preneur de plats de lentilles, pois chiches, riz complet, semoule complète, etc. On peut aussi aller commander une pizza ensemble, c’est bon hein. Perso c’est bon, je brûlerai toutes les calories le lendemain sur la route ! »
• « Pour dormir, je dispose de mon propre matelas et de mon sac de couchage : je peux me poser n’importe où sur le plancher ! »
• « Il est probable que la première chose que je vous demanderai sera d’utiliser votre douche… Et aussi du wifi et une prise pour recharger ma batterie. Je peux être aussi carrément preneur d’une machine à laver et à sécher le linge (ou un lavomatic à proximité). »

• « Très important : il faut un endroit sûr pour le vélo : box, garage, cour, couloir, etc. Je ne peux pas prendre le risque de le laisser dehors pour la nuit, même attaché. »

Souvenirs de voyage :
Pas mal de questions m’ont été posées sur cette aventure de proximité. J’ai aussi pris la parole en public deux ou trois fois pour raconter tout ça. Hélas je n’ai pas trouvé le temps de publier un petit zine qui raconterait tout ça. Peut-être pourrai-je m’y coller un de ces quatre.
J’espère que j’ai pu conforter quelques-uns de mes interlocuteurs dans leur envie d’enfourcher un vélo pour un voyage de plusieurs kilomètres.




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