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Overdose de symbolisme un peu hors du monde (Alejandro Jodorowsky au CAPC)

Il n’y a qu’une seule entrée pour le CAPC (c’est au 7 rue Ferrère, à Bordeaux) mais pour l’oeuvre de Jodorowsky, ce ne sont pas les portes qui manquent.

C’est bien résumé dès l’entrée de l’expo que le musée d’art contemporain consacre à l’oeuvre du touche-à-tout chilien : « un artiste qui a marqué des générations de créateurs dans tous les domaines : cinéma, arts plastiques, théâtre, pantomime, bande dessinée, musique, littérature, le tarot et bien d’autres ».

Moi ça a été L’Incal (Les aventures de John Difool), que je dévorais en vacances l’été dans les années 80, et puis les films découverts à la faveur d’articles parus dans le magazine Jade.

PRESUMES INNOCENTS

A chaque fois que je visite une expo du CAPC, plutôt que de répondre comme un couillon « est-ce que c’est bien/ est-ce que c’est pas bien », ce qui ne veut pas dire grand chose, je privilégie le critère suivant : est-ce que je conseillerais la visite de l’expo à mes potes ? Est-ce que je la conseillerais à mes vieux ?

JODO VISIO

Pour la rétro Jodo, je réponds let’s go – avec toutefois quelques réserves (cf. le post scriptum au pied de ce post).

Dans la grande nef où se tient l’expo, iI y a moyen de bien déambuler. L’archi grec qui a bossé la scéno a plus fait que le minimum syndical : références au tarot divinatoire (gros trip du Jodo, hein), un amphithéâtre pour chiller en visioconférence avec Le Maître, un tunnel semi-circulaire pour checker des peintures et draguer tranquille, des espaces comme à la médiathèque pour se poser devant les bouquins ou les albums de bande-dessinées (si vous voulez essayer de les braquer, pensez à arracher les puces électroniques avant), etc.  Et bien sûr, l’Entrepôt Lainé lui-même, toujours la star des expos qu’il accueille, même quand il est ici conçu comme une boîte géante pour ranger ses cartes de tarot divinatoire.

MONTANA SAGRADA

D’après la documentation distribuée à la presse (celle que les journalistes recopient pour feindre l’érudition), Alejandro Jodorowsky aurait déclaré en juillet dernier : « le CAPC est un lieu incroyable ; c’est une ville. On est ici dans un autre monde. On est hors du monde. »

Hors du monde, peut-être bien, en effet. Au musée, ça c’est sûr, et c’est parfois un chouïa surprenant pour Jodorowsky, qui est un des mecs qu’on pourrait penser être un des moins susceptibles d’être enfermés dans un museum. Cela fonctionne par endroits, c’est parfois moins évident, comme quand on mate le script de La Montagne Sacré (1972), par exemple, exposé derrière son cube de plexiglass – la forme muséographique dans toute sa splendeur figée.

J’ai employé le mot « rétro » mais il serait plus juste de dire que l’expo est plutôt conçue comme un hommage. « Le questionnement du travail d’un créateur », écrirait un stagiaire. Même si en l’espèce le mot « créateur » serait assez bien choisi.

DUNE SCRIPT

J’ai adoré la partie sur le film Dune (enfin, le projet de film). Les fans de sci-fi vont kiffer les illustrations de Chris Foss, ou le célèbre fauteuil de la Maison Harkonnen désigné par H.R. Giger – qui devrait s’assurer un certain succès sur Instagram.

GIGER-Instagram

De manière générale, les concepteurs de l’expo ont sérieusement fait le job, et ont bien fouiné pour rapporter les items qui vont bien : archive INA, coupures de presse, bandes annonces 70’s, docs originaux de la Filosofia Panica, affiches, etc. Il y a du Topo et il y a du Topor.

Un big regret : que le film Jodorowky’s Dune ne soit pas projeté, ou tout simplement injecté dans le cerveau des visiteurs à l’aide d’une micropuce RFID.

En résumé, les amateurs de Jodorowsky seront contents de pouvoir toucher des morceaux de la vraie croix, et les profanes pourront s’initier à son oeuvre, ses monstres, ses animaux, son théâtre, son cinéma, ses samouraï et ses femmes à poil, ses hélicoptères qui tombent dans des piscines, son flux Twitter, et, hum, sa folie.

JODOCAPC

Comme je lis particulièrement bien le futur dans le tarot de Marseille, je vous annonce les rendez-vous suivants :

1 – Il y aura un cycle Jodorowsky au cinéma Utopia fin juin. Il y a aura une séance exceptionnelle au CAPC, le vendredi 19 juin, avec la projection du film El Topo, à minuit,. Oui, c’est une référence aux fameux « midnight movies » de New-York. La séance sera à 10 € mais vous vous verrez remettre un ticket spécialement désigné par Jodorowsky pour cette séance unique, que vous pourrez revendre dans la foulée sur eBay six ou sept fois plus cher.

2 – Oui, Jodorowsky fera le déplacement, mais sur le tard (en principe le samedi 17 octobre), pour une rencontre sans doute bien psychomagique, dans le cadre du festival Novart – dont les trois premières lettres perdent donc au passage leur sens d’abréviation du mois du « novembre ». J’espère que ce sera okay pour toper une interview pour Vice.

L’expo est à visiter jusqu’au 31 octobre 2015, si vous passez à côté vous ne pourrez pas vous plaindre qu’il n’y a jamais rien à voir ou à faire ici-bas. L’entrée est à 6,50 € et 3,50 € en tarif réduit.

Infos pratiques sur www.capc-bordeaux.fr

Rendez-vous au vernissage, ce jeudi 28 mai à partir de 19h00, et soyez bien à l’heure si vous espérez vous faire servir un peu de Chasse-Spleen au coeur de l’inviolable Méta-Bunker.

SOYEZ PRETS

NB : Le CAPC accueille également au deuxième étage une expo consacrée à José Antonio Suàrez Londoño qui vaut vraiment la peine de s’y attarder -> lire ici

>> post-scriptum à lire ici