Comme je l’avais déjà dit au sujet de Magic In The Moonlight, j’écris assez peu sur le cinéma (exception faite des plans sur lesquels je suis plus ou moins impliqué : présentation de films, promo, etc.) et dans la mesure où, en gros, j’évoque un film par an, me voilà parfaitement raccord pour recommander le nouveau film de Woody Allen, qui, de son côté, tourne un film par an.
Je ne suis pas très doué pour les analyses, alors je vais me contenter de verbaliser mes principaux big ups au sujet de L’Homme irrationnel que je suis allé voir en salle :
1 – J’adore quand Woody Allen se cite, ou reprend un de ses leitmotivs de mise en scène (par exemple, quand il introduit une scène de magie). Pas de magie stricto sensu dans cet opus, mais une scène avec des miroirs dans une fête foraine, qui rappelle l’univers du cirque et la fascination du réalisateur pour les reflets (cf. le dénouement de son classique Manhattan Murder Mystery) Je vous laisse la surprise, mais la trouvaille est de taille.
2 – Il m’a semblé qu’en plus de se citer, Woody Allen s’est carrément représenté dans le film : j’ai cru voir sa bouille juvénile dans la figure d’un étudiant rouquin à lunettes et à mèche qui assiste au cours de philo du protagoniste principal.
3 – La philo comme ressort dramatique, c’est assez bluffant. Bon, le niveau argumentaire ne vole pas très haut, mais le personnage du prof de philo, Abe Lucas (joué par Joaquin Phoenix) le dit lui-même : le niveau n’est pas super élevé (par ailleurs, il faudra que l’on m’explique ce que sont ces cours d’été dans les universités américaines : ils ne sont pas en vacances ?). Bon, ça doit être des premières années : le niveau est à peu près équivalent à ce que j’ai entendu tout l’été en suivant les podcasts de Michel Onfray sur France Culture : le philosophe qui vit dans un monde « parfait » en décalage complet avec les problématiques du monde réel, la morale de l’impératif catégorique kantien nous obligeant de dire la vérité en toutes circonstances, nous forçant à dénoncer aux nazis un résistant planqué chez soi (chez Onfray) ou Anne Frank au grenier (chez Allen), etc.
4 – Comme dans les films que j’évoquais (le MMM, ou Magic…, le suspense est de qualité. Je pense que c’est pour faire un clin d’oeil appuyé au « film noir » que l’héroïne (jouée par Emma Stone) s’appelle Jill Pollard. Pollard = polar, chez le francophile Allen, OK ? (non ?)
5- La musique est hyper bien choisie (comme d’hab), avec le thème de The In Crowd du Ramsey Lewis Trio, qui ne vous lâche plus.
Résumé (l’heure va sonner et je dois rendre ma copie) : un bon mélange de charme et d’horreur, couvrant en outre vos besoins journaliers en considérations philosophiques – niveau cocktail party sur le campus. On pige bien qu’à vouloir trop réfléchir le prof de philo déglingo se fait prendre au jeu de son nihilisme (« Il est dans son monde », comme disent ses collègues à l’heure du lunch break) et finit comme dans le titre d’un roman de Camus.
Je suis myope et bien que je fusse assez proche de l’écran, j’ai dû plisser les yeux pour déchiffrer sur la tranche le titre du bouquin qu’Abe a posé sur sa table de nuit : c’est L’Idiot de Dostoïevski – et je peux vous dire qu’il aurait mieux fait de potasser Crime Et Châtiment.