J’ai mis à profit le 8 mai, date anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie, pour ranger quelques livres acquis récemment (ces derniers six mois, disons, ce qui, à mon échelle, est “récent”) dont le Underground Hitler de Costes, ce qui fait sens.
J’avais commandé ce dernier roman en date de Costes directement à la source, sur son site Eretic Art.
Je ne ferai pas l’outrage à ma communauté de présenter Costes.
CV express :
Figure emblématique de l’underground français, producteur compulsif de cassettes et CD, Jean-Louis Costes est connu pour ses performances mêlant chansons déviantes et mises en scènes déjantées. Un mix radical de pop bizarre et de noise, avec toujours des thèmes et des textes singuliers, passant de l’amour à la haine, de l’humour à la tragédie, entre transe démente et tentative de maîtrise du chaos.
Le Hitler du livre, c’est bel et bien le Adolf que nous connaissons-tous. Et l’underground, c’est celui du bunker berlinois dans lequel il vit terré, à 8 mètres de profondeur, sous les bombes soviétiques, en avril 1945, en attendant la chute du Reich. Ça, c’est du confinement, du solide.
Dans son roman, Jean-Louis Costes ne fait pas du Arte. Il se saisit de quelques éléments historiques (un Hitler surcamé ne tenant que grâce aux injections quotidiennes d’un cocktail cocaïne-héroïne que lui prodigue son docteur personnel) et les mêle aux délires les plus crus. On croit lire un mélange de vieux dossier Historia, de Marc Behm, de Professeur Choron et de… eh bien de Jean-Louis Costes !
De fait, je me demande comment tenir la longueur de ces 265 pages si l’on n’est pas déjà un amateur éclairé de l’oeuvre de Costes (même si l’éclairage n’est fourni que par une faible ampoule vacillant au plafond d’un épais sarcophage de béton armé).
Très vite, l’action fait appel à des ressorts assez classiques de l’univers de Costes : pisse, merde, foutre, sang, le tout dans des proportions sadiques qui dépassent toute raison.
Le lecteur finit par s’habituer aux nombreuses répliques à la “Enculez-moi, ordre du Führer” mais de petites pauses s’avèrent nécessaires, comme quand le dictateur prend dans ses bras un volontaire fanatisé de la “division SS Muhammad Pacha” au cri exalté de “Ach mon frère, c’est dommage que ces connards de chevaliers français aient arrêté les Arabes à Poitiers. S’il vous avaient laissés conquérir toute l’Europe, aujourd’hui les Allemands seraient musulmans. Le Coran leur aurait instillé le culte sacré de la Guerre et la haine absolue de l’Amour chrétien. Et ça ferait mille ans que les Germains musulmans domineraient le monde. Heil Mahomet !”
Je crois aussi avoir noté que pour célébrer les noces de son chef avec Eva Braun, Goebbels fait appel à un ancien moine cistercien auteur d’une Tradition des singes sodomites promettant un mariage “qui sera pour votre femme en apparence catholique, mais qui secrètement sera nazi par les prières ariosophistes que je prononcerai discrètement en latin”.
Je ne suis pas sûr d’avoir saisi précisément où Costes a voulu en venir avec ce roman. Je lis que le Hitler de Costes, peu avant de fondre dans l’acide chlorhydrique, est en proie à d’immenses regrets : “Plutôt que de jouer le Führer, j’aurais mieux fait de continuer à peindre des paysages. Ça m’aurait évité toutes ces emmerdes. (…) Déguisé en militaire, je braillais n’importe quoi, et des cons m’ont suivi. »
Pour public averti et en pleine possession des codes requis.
