Survêtements, contrats déchirés et DJ qui schlingue. Entrée murée, baston backstage et promoteur mafieux. Migraines chroniques, douaniers zélés et automédication massive. Des kilomètres de caféine. Duo longtemps occupé à fracasser son « digi-punk fractal et ses assauts mongoltroniques, quelque part entre Prince, Slayer et les Geto Boys » (Vice France, 2015) sur les occiputs des innocents, dDamage, le projet des frangins Fred et JB Hanak, aura connu son quota d’enfer en tournée (« tous les jours, 23 heures de souffrances motivées par le shoot d’une heure sur scène »). Ces pages l’attestent – notamment la 183ème, où leur tour-manager, épuisé et prêt à abdiquer, renifle ce jugement définitif : « Tourner, c’est trop un truc de sauvages. »

Cela a déjà été beaucoup écrit : dDamage, ce furent deux moutons noirs. Deux frères pétard. Deux frères maudits. Un petit frère et un grand frère aussi unis que le petit d et le grand D qui dessinent l’initiale bancale de leur nom de groupe fusionnel. Les Dupond et DuponD du road trip en go fast qui font de la « construction/déconstruction » le principe de leur musique autant que de leurs vies.
Le bouquin n’est pas une bio musicale. Il s’agit d’une restitution romancée de la rance vie en tournée dans la lose de l’underground. C’est un condensé. Comme dans le théâtre un peu fauché, sans doute un seul acteur joue-t-il à la fois trois ou quatre rôles ? Peut-être les mésaventures d’une semaine entière ont-elles été concentrées en 24 heures chrono ? Ce n’est pas ça le plus important. Le plus important, c’est de bien saisir la destruction des unités de temps, de lieu et d’intrigue. Argent qui vole, drogue, violence et voir son propre public sombrer dans une « marée de merde de banane ». Mais pourquoi s’être infligé autant d’épreuves ?
Vous savez ce que l’on dit d’une année de vie de chien ? Qu’une seule de ces années équivaut à sept années de vie humaine. Des années de vie de chien. Voilà le genre d’années – jusqu’à ce que la mort les sépare – que ces frères auront vécu.
Sales chiens, JB Hanak
Editions Léo Scheer
272 pages, 17 €
Photo de couverture par Sébastien Charlot