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Les Forêts bleues : les bois underground

Livre commandé sur la base de critères somme toute assez classiques : une sorte de demi-fidélité à l’éditeur (Zone 52, j’avais participé à l’édition de Enjoy The Violence et j’avais chroniqué ici Voici venu le temps de Jérémie Grima), une préférence pour ce qui se produit dans les marges en matière d’édition, une belle couverture (toutes les illustrations sont des linogravures de Delphine Bucher) et la promesse que « les fantômes peuvent sortir des bois » – ce qui me parle, moi qui vis entouré de bois et de fantômes. La seule inconnue, de mon point de vue, c’était l’auteur.

Je le dis sans condescendance, le pitch m’a fait penser à ces productions de télévision de genre thriller sur fond de secrets de famille que je vois souvent ma reum mater le soir, le chat sur les genoux (c’est d’ailleurs tout le mal que je souhaite à l’auteur – non pas avoir un chat sur les genoux, mais vendre les droits à France 3 et palper un bon chèque). Bonus pour nous les rockers : une playlist livrée avec le sommaire, feat. Songs:Ohia, Alain Bashung, Scout Niblett, Not Scientists, Smog, Nick Cave & The Black Seeds, etc.

Le blues des Forêts bleues est le mal qui taraude le personnage principal Liv (oui, comme Liv Tyler), 50 kilogrammes d’inaccessible blancheur humide et de tourments brumeux. Baskets aux pieds, elle court pour tenter de fuir ses peurs et ses cauchemars, « animal traqué, les pieds dans la boue ».

L’autre personnage fondamental du livre me paraît être le cheval Amadeus, le blanc étalon psychopompe ; et, plus que les hommes (chasseurs de sangliers, avinés, au volant de 4×4 et plus branchés par la #météo que par #meetoo) de ce récit, j’ai aimé les arbres, dont un châtaignier dans le cimetière, « nourri par les corps des hommes et les pleurs des vivants ».

« Tout ce qui meurt dans la forêt ne disparaît jamais », a prévenu la 4ème de couverture. On sait que tout va se jouer autour de cette clé, après avoir longtemps hésité entre un scénario magique ou rationnel, et puis tout va trouver sa place au terme d’un climax haletant, avec procédé d’accélération sur les dix dernières pages et révélation.

Mais avant cela , vous courrez avec Liv, ne sachant pas précisément ce qu’il faut fuir ou rejoindre – peut-être les morts, « dans un mélange de terre brune et de feuilles mortes, au fond d’un trou ».

Les Forêts bleues, de Fanny Lalande
Zone 52 Editions
Format poche
144 pages imprimées sur papier fabriqué dans les Vosges
Illustration de caravane extraite du livre page 117 : linogravure de Delphine Bucher

John Everett Millais, Ophelia (Tate Britain)