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Correspondant Local : crue sanglante en bord de Garonne

Comment je vais expliquer que j’ai en ma possession une vidéo où elle suce une bite ?
Laurent Queyssi, Correspondant Local

Je ne lis plus qu’assez rarement des polars et quasiment jamais de thrillers (je n’en regarde jamais à la télévision non plus), à l’exception de ceux écrits par des proches, ou des “proches de réseau” – comme, dernièrement, Les Forêts Bleues. Cela me donne l’impression de me faire directement raconter une histoire.

Laurent Queyssi vivait sans doute depuis longtemps avec en tête le fantasme de signer une detective story (il rend hommage à une paire d’auteurs au détour des pages, et j’apprécie de voir que nous avons au moins Donald Westlake dans nos goûts en commun). Il met en scène enquête et action dans une ville du Lot-et-Garonne qui n’existe pas, Castelnau, mais que l’on reconnaît comme étant Marmande (il avait déjà fait le coup pour son fort cool premier roman Allison paru aux Moutons Electriques en 2016).

Marmande et le Marmandais en prennent encore plein les ratiches, façon yoseikan budo  (“Rien qu’une sous-préfecture du Sud-Ouest, sans véritable âme ni mémoire”), étant bien soulignés  “le manque de concerts, de salles de cinéma, de diversité dans les restaurants et cette mentalité empreinte de fierté paysanne et d’un certain repli sur soi.”

C’est que Laurent Queyssi est un homme de culture, de sous-cultures mêmes, ou de cultures de niches, dont il aime parsemer de références ses récits : musique indé à la Sebadoh/Sonic Youth, classiques de John Carpenter, etc. Qu’attendre d’autre d’un auteur qui assène ce genre de philosophie propre à faire mouche dans la psyché de ceux qui ont été adolescents à l’époque des vidéo-clubs  : « Vieillir, c’est peut-être racheter les mêmes films sur de nouveaux supports” ?

La vidéo, justement, est au coeur de l’intrigue, sous la forme d’une cassette mini-DV brutalement arrachée au passé. Perso, j’avais un caméscope format mini-DV, mais je m’en suis toujours servi pour filmer des concerts ou des interviews de groupes, pas pour le genre de tournages amateur qui font l’objet des règlements de compte que Queyssi peint en bord de fleuve.

Rythme, pistes et fausses pistes, meurtres et tentatives de meurtres, et, façon papillon battant des ailes au Brésil, enchaînements de cause à effet, du genre comment “une vieille dame qui monte dans un grenier pouvait bien entraîner l’embuscade de quatre catcheurs mexicains dans une ruelle” : nous sommes bien dans un polar – un vrai polar du Sud-Ouest (page 149, dans la boulangerie d’une petite bourgade sur le canal latéral à la Garonne : “j’ai acheté une chocolatine”). Et, oui, il y a aussi des filatures, comme promis par le nom même de la maison d’édition.

NB : Éviter en revanche la quatrième de couverture (le petit texte dit “prière d’insérer”), qui me paraît être un résumé gâchant tout, comme une notice pas terrible de programme TV. Attaquer directement sa lecture.

Correspondant local, de Laurent Queyssi
Editions Filature(s)
238 pages, 18 €
Illustration de couverture : Christophe Chabouté

Remerciements :
Amélie de l’Espace Cul pour mon exemplaire perso et le chat Norman pour le créneau de lecture.

Photo : Laurent Queyssi. Et oui : très belle chemise.